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Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 4.djvu/461

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ACTE II.


Scène première.

CLÉOPATRE.

395Serments fallacieux, salutaire contrainte,
Que m’imposa la force et qu’accepta ma crainte,
Heureux déguisements d’un immortel courroux,
Vains fantômes d’État, évanouissez-vous !
Si d’un péril pressant la terreur vous fit naître,
400Avec ce péril même il vous faut disparoître[1],
Semblables à ces vœux dans l’orage formés,
Qu’efface un prompt oubli quand les flots sont calmés.
Et vous, qu’avec tant d’art cette feinte a voilée,
Recours des impuissants, haine dissimulée,
405Digne vertu des rois, noble secret de cour,
Éclatez, il est temps, et voici notre jour.
Montrons-nous toutes deux, non plus comme sujettes,
Mais telle que je suis et telle que vous êtes.
Le Parthe est éloigné, nous pouvons tout oser :
410Nous n’avons rien à craindre et rien à déguiser ;
Je hais, je règne encor. Laissons d’illustres marques
En quittant, s’il le faut, ce haut rang des monarques :
Faisons-en avec gloire un départ éclatant,
Et rendons-le funeste à celle qui l’attend.
415C’est encor, c’est encor cette même ennemie
Qui cherchoit ses honneurs dedans mon infamie,

  1. Var. Avecque ce péril vous devez disparoître. (1647-56)