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Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 4.djvu/493

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Et de rigueur entière et d’entière équité[1].
1195Quoi ? n’écouterez-vous ni l’amour ni la haine ?
Ne pourrai-je obtenir ni salaire ni peine ?
Ce cœur qui vous adore et que vous dédaignez…

RODOGUNE.

Hélas ! Prince.

ANTIOCHUS.

Hélas ! Prince.Est-ce encor le Roi que vous plaignez[2] ?
Ce soupir ne va-t-il que vers l’ombre d’un père ?

RODOGUNE.

1200Allez, ou pour le moins rappelez votre frère :
Le combat pour mon âme étoit moins dangereux
Lorsque je vous avois à combattre tous deux :
Vous êtes plus fort seul que vous n’étiez ensemble ;
Je vous bravois tantôt, et maintenant je tremble.
1205J’aime ; n’abusez pas, Prince, de mon secret :
Au milieu de ma haine il m’échappe à regret ;
Mais enfin il m’échappe, et cette retenue
Ne peut plus soutenir l’effort de votre vue :
Oui, j’aime un de vous deux malgré ce grand courroux,
1210Et ce dernier soupir dit assez que c’est vous.
Un rigoureux devoir à cet amour s’oppose[3].
Ne m’en accusez point, vous en êtes la cause ;
Vous l’avez fait renaître en me pressant d’un choix
Qui rompt de vos traités les favorables lois.
1215D’un père mort pour moi voyez le sort étrange :
Si vous me laissez libre, il faut que je le venge ;
Et mes feux dans mon âme ont beau s’en mutiner,
Ce n’est qu’à ce prix seul que je puis me donner[4] :

  1. Var. Et de reconnoissance et de sévérité. (1647-56)
  2. Var. Hélas ! ANTIOCH. Sont-ce les morts ou nous que vous plaignez ?
    Soupirez-vous pour eux, ou pour notre misère ?
    RODOG. Allez, Prince, ou du moins rappelez votre frère. (1647-56)
  3. Var. Un rigoureux devoir à cette amour s’oppose. (1647-56)
  4. Var. Ce n’est qu’à ce prix seul que je me puis donner. (1647-56)