Aller au contenu

Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 4.djvu/502

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

CLÉOPATRE.

Vous lui pouvez servir encor d’amant fidèle ;
Si j’ai su me venger, ce n’a pas été d’elle.

SÉLEUCUS.

Ô ciel ! et de qui donc, Madame ?

CLÉOPATRE.

Ô ciel ! et de qui donc, Madame ?C’est de vous,
1410Ingrat, qui n’aspirez qu’à vous voir son époux ;
De vous, qui l’adorez en dépit d’une mère ;
De vous, qui dédaignez de servir ma colère ;
De vous, de qui l’amour, rebelle à mes desirs,
S’oppose à ma vengeance, et détruit mes plaisirs.

SÉLEUCUS.

De moi !

CLÉOPATRE.

1415De moi !De toi, perfide ! Ignore, dissimule
Le mal que tu dois craindre et le feu qui te brûle ;
Et si pour l’ignorer tu crois t’en garantir,
Du moins en l’apprenant commence à le sentir.
Le trône étoit à toi par le droit de naissance ;
1420Rodogune avec lui tomboit en ta puissance,
Tu devois l’épouser, tu devois être roi !
Mais comme ce secret n’est connu que de moi,
Je puis, comme je veux, tourner le droit d’aînesse,
Et donne à ton rival ton sceptre et ta maîtresse.

SÉLEUCUS.

À mon frère ?

CLÉOPATRE.

1425À mon frère ?C’est lui que j’ai nommé l’aîné.

SÉLEUCUS.

Vous ne m’affligez point de l’avoir couronné ;
Et par une raison qui vous est inconnue,
Mes propres sentiments vous avoient prévenue :
Les biens que vous m’ôtez n’ont point d’attraits si doux