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Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 4.djvu/524

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Quoi que vous me disiez et quoi que je vous die,
L’on ne peut séparer l’empire de Lydie ;
Cette illustre beauté veut une illustre cour :
Ici l’ambition s’accorde avec l’amour.
En vain nous opposons ces passions diverses,
Il faut que son époux soit monarque des Perses ;
Et puisque la couronne appartient à l’aîné,
Il faut qu’un seul l’obtienne et soit seul fortuné,
Et sans que le plus jeune en prenne jalousie,
Qu’il ait seul la Princesse et l’empire d’Asie.

Voici comment M. Corneille fait répondre Antiochus, qui se trouve dans le même cas de Darie :

ANTIOCHUS.

Un grand cœur cède un trône, et le cède avec gloire, etc.[1].

Nous abandonnons ici l’extrait de la pièce de Gilbert, qui n’est qu’une copie très-mal faite de la tragédie de M. Corneille, pour passer à la scène où Artaxerce et Darie pressent Lydie de déclarer ses sentiments pour l’un ou pour l’autre. Après quelque refus, enfin elle dit :

LYDIE.

Entre deux grands héros difficile est le choix.
Puisque vous le voulez, je vous veux satisfaire.
Vous et moi nous pleurons la mort de votre père :
De parricides mains l’ont mis dans le tombeau,
Avant que notre hymen fît luire son flambeau.
Je veux de mon amour lui donner une preuve :
Ayant reçu sa foi, je dois agir en veuve.
Soyez dignes de moi, je veux l’être de vous :
Perdez les assassins d’un père et d’un époux ;
Lavez dedans leur sang leur noire perfidie ;
C’est par là seulement qu’on peut avoir Lydie ;
Elle n’épousera, quoi qu’ordonne le sort,
Que celui de ses fils qui vengera sa mort.

Rodogune de M. Corneille répond aux deux princes qui la conjurent de prononcer entre eux :

RODOGUNE.

Eh bien donc ! Il est temps de me faire connoître, etc.[2].

Passons présentement au cinquième acte de la tragédie de Gilbert, qui n’a rien emprunté de celui de Corneille ; aussi est-il misérable

  1. Voyez ci-dessus, p. 436 et 437, dans la Rodogune de Corneille, les vers 151-868.
  2. Voyez ci-dessus, p. 470 et 471, les vers 1011-1047.