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Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 4.djvu/81

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950De quoi s’assujettir le plus noble courage ;
Ses yeux savent ravir, son discours sait charmer ;
Et si j’étois César, je la voudrois aimer[1].

CÉSAR.

Comme a-t-elle reçu les offres de ma flamme ?

ANTOINE.

Comme n’osant la croire, et la croyant dans l’âme ;
955Par un refus modeste et fait pour inviter,
Elle s’en dit indigne, et la croit mériter.

CÉSAR.

En pourrai-je être aimé ?

ANTOINE.

En pourrai-je être aimé ?Douter qu’elle vous aime,
Elle qui de vous seul attend son diadème,
Qui n’espère qu’en vous ! douter de ses ardeurs,
960Vous qui pouvez la mettre au faîte des grandeurs[2] !
Que votre amour sans crainte à son amour prétende :
Au vainqueur de Pompée il faut que tout se rende ;
Et vous l’éprouverez. Elle craint toutefois
L’ordinaire mépris que Rome fait des rois,
965Et surtout elle craint l’amour de Calphurnie ;
Mais l’une et l’autre crainte à votre aspect bannie,
Vous ferez succéder un espoir assez doux,
Lorsque vous daignerez lui dire un mot pour vous.

CÉSAR.

Allons donc l’affranchir[3] de ces frivoles craintes,
970Lui montrer de mon cœur les sensibles atteintes ;
Allons, ne tardons plus.

ANTOINE.

Allons, ne tardons plus.Avant que de la voir,
Sachez que Cornélie est en votre pouvoir ;

  1. Voyez plus loin la note du vers 392 de la Suite du Menteur.
  2. Var. Vous qui la pouvez mettre au faîte des grandeurs. (1644-60)
  3. L’édition de 1682 donne l’affermir, pour l’affranchir.