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Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 4.djvu/95

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Peut céder par votre ordre à de plus justes lois.
Je sais que vous pouvez forcer d’autres obstacles :
1310Vous me l’avez promis, et j’attends ces miracles.
Votre bras dans Pharsale a fait de plus grands coups,
Et je ne les demande à d’autres Dieux qu’à vous.

CÉSAR.

Tout miracle est facile où mon amour s’applique.
Je n’ai plus qu’à courir les côtes de l’Afrique,
1315Qu’à montrer mes drapeaux au reste épouvanté
Du parti malheureux qui m’a persécuté ;
Rome n’ayant plus lors d’ennemis à me faire,
Par impuissance enfin prendra soin de me plaire ;
Et vos yeux la verront, par un superbe accueil,
1320Immoler à vos pieds sa haine et son orgueil.
Encore une défaite, et dans Alexandrie
Je veux que cette ingrate en ma faveur vous prie ;
Et qu’un juste respect, conduisant ses regards,
À votre chaste amour demande des Césars.
1325C’est l’unique bonheur où mes desirs prétendent ;
C’est le fruit que j’attends des lauriers qui m’attendent :
Heureux si mon destin, encore un peu plus doux,
Me les faisoit cueillir sans m’éloigner de vous !
Mais, las ! contre mon feu mon feu me sollicite :
1330Si je veux être à vous, il faut que je vous quitte.
En quelques lieux qu’on fuie, il me faut y courir,
Pour achever de vaincre et de vous conquérir.
Permettez cependant qu’à ces douces amorces
Je prenne un nouveau cœur et de nouvelles forces,
1335Pour faire dire encore aux peuples pleins d’effroi,
Que venir, voir et vaincre est même chose en moi[1].

  1. Allusion au fameux Veni, vidi, vici, que César écrivit à un de ses amis de Rome après la victoire qu’il remporta plus tard, en Asie, sur Pharnace, fils de Mithridate. Voyez la Vie de César par Plutarque, chapitre v.