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Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, tome 1.djvu/37

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15 juin 1753

à ces anciens marquis du Joueur, de Regnard, il est très-ridicule de nous peindre des originaux peu intéressans qui n’existent plus, et très-blâmable de mettre dans ces portraits des traits qui peuvent convenir à quelque particulier. La morale ne doit regarder que les généralités ; elle devient satire dès qu’elle s’écarte de ce principe. On peut dire, en général, qu’on ne connaît pas le monde dont Osman entretient ses correspondans, et qu’il y a apparence qu’il a vu très‑mauvaise compagnie pendant son séjour à Paris. Cette remarque est nécessaire, surtout pour les étrangers, qui ne manquent pas de se former l’idée des mœurs de Paris, d’après ces sortes d’ouvrages qui sont ordinairement du plus mauvais ton du monde : tel est Angola, mauvaise production d’un homme qui n’a jamais été à portée de voir la bonne compagnie[1]. Il n’appartient qu’à M. de Montesquieu de parler de nos mœurs, et à M. de Crébillon fils de peindre nos ridicules. M. le chevalier d’Arcq a jugé à propos de faire sa cour, dans ses Lettres d Osman, à plusieurs particuliers, par des éloges exagérés ; il y en a un de M. le président Hénault, qui est très-ridicule. Le Turc regarde son Abrégé chronologique comme le chef-d’œuvre de l’esprit humain : le vrai mérite de ce livre est d’être fort commode ; voilà ce qu’en doivent penser les Turcs et les chrétiens. Il y a dans les Lettres d Osman des digressions sur les anciens, sur Annibal, Alexandre, etc. ; tout ce que notre Turc dit sur cela, en Français très-superficiellement instruit, n’est qu’une répétition de lieux communs qu’on trouve partout, et qui souvent n’en sont pas moins faux pour cela. Vous verrez encore dans ce recueil deux ou trois lettres sur le

  1. Angola, histoire indienne (Paris, 1746, in‑12), est du chevalier de la Morlière.