Aller au contenu

Page:Cortés - Lettres à Charles Quint, trad. Charnay, 1896.djvu/125

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Un jour, les chefs indiens me demandèrent de me présenter à cette même place où leur maître avait été blessé, disant qu’ils avaient à me parler ; je m’y rendis et mous discutâmes longtemps, moi, les priant de cesser leurs attaques injustes ; leur disant qu’ils se rappelassent les services que je leur avais rendus, et avec quelle douceur je les avais traités. Ils me répondirent que la guerre cesserait à une condition, c’est que je m’en irais et quitterais le pays ; qu’autrement ils avaient juré de mourir tous jusqu’à l’extermination de chacun de nous. Mais ce qu’ils en disaient était pour m’attirer hors du palais, et nous surprendre entre les ponts à notre sortie de ville. Je leur répliquai qu’ils ne pouvaient croire que je leur demandasse la paix par crainte, mais bien par pitié du mal que je leur avais fait et des plus grands maux que je pourrais leur faire encore et du regret que j’aurais de détruire une ville aussi belle que la leur.

Mes tours étant terminées, je fis une sortie pour m’emparer des ponts et de certaines maisons ; nous poussions les tours en avant, quatre pièces d’artillerie les suivaient par derrière accompagnées d’arquebusiers, d’arbalétriers et de plus de trois mille Indiens de Tlascala qui combattaient dans nos rangs comme alliés. Arrivés près du pont, nous plaçâmes nos tours contre les murailles des maisons en abaissant un tablier qui nous permettait de passer sur les plates-formes ; mais il y avait une telle multitude d’Indiens préposés à la défense du pont et des plates-formes, ils nous lançaient une telle grêle de pierres, et d’un tel poids qu’ils disloquèrent mes tours, me tuèrent un Espagnol et m’en blessèrent un grand nombre sans que nous avancions d’un pas, quoique nous combattions en désespérés. Cette lutte sans résultat dura jusqu’à midi, heure à laquelle nous regagnâmes fort tristes, notre demeure. Notre retraite leur causa un tel orgueil qu’ils nous poursuivirent jusqu’aux portes de notre palais et qu’ils s’emparèrent du grand temple. Plus de cinq cents Indiens qui me parurent de grands personnages occupèrent la pyramide principale ; puis ils y amassèrent du pain, de l’eau, des vivres et une masse de pierres. Ils étaient armés de lances très longues avec pointes en silex et obsidiennes plus larges que les nôtres