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Page:Cortés - Lettres à Charles Quint, trad. Charnay, 1896.djvu/133

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l’ordre que j’ai dit, avec mes gens d’avant et d’arrière, bien sur leur garde ; mais les ennemis nous suivaient toujours, ameutant de leurs cris tous les habitants d’une province fort peuplée. Mes cavaliers et moi, quoiqu’en nombre infime, nous leur courrions sus, mais sans leur faire grand mal, car le sol était raboteux et les Indiens se sauvaient dans les rochers. Nous fîmes ce jour-là quelques lieues, et nous arrivâmes dans un grand village où nous pensions avoir quelque démêlé avec les habitants ; en nous voyant, ils abandonnèrent la place pour se réfugier dans les villages environnants. Je restai là deux jours parce que mes hommes valides, aussi bien que les blessés et les chevaux, étaient rendus de fatigue et mourants de soif et de faim. Nous y trouvâmes du maïs que nous mangeâmes et dont nous emportâmes une provision cuite et rôtie. Le jour suivant nous partîmes, toujours accompagnés de la meule hurlante qui, à l’arrière et à l’avant, tenta quelques attaques et nous poursuivions notre route guidés par les Tlascaltecs : route longue et fatigante, car souvent il nous fallait abandonner les chemins battus. Vers le tard, nous arrivâmes dans une plaine où s’étalaient quelques pauvres maisons auprès desquelles nous campâmes, fort à court de vivres. Le jour suivant, nous partîmes de bonne heure ; à peine étions-nous en route que les ennemis nous rejoignirent et tout en nous battant, nous arrivâmes à un grand village, à deux lieues du précédent, où sur notre droite nous trouvâmes quelques Indiens retranchés sur une colline ; espérant les déloger, car la colline était près de nous, et désirant m’assurer s’ils étaient plus nombreux, je m’avançai avec cinq chevaux et dix fantassins pour examiner cette colline. En arrière se trouvait une grande ville et beaucoup d’Indiens contre lesquels nous eûmes à lutter ; mais comme le terrain était rocailleux et le nombre des ennemis considérable, je jugeai prudent de regagner le village où j’avais laissé mes gens. Je sortis de cette escarmouche grièvement blessé de deux coups de pierre ; et, m’étant fait panser, je fis évacuer le village, l’endroit me paraissant dangereux. Nous cheminions toujours, suivis par de nombreuses troupes d’Indiens ; ils nous attaquèrent si sérieusement qu’ils nous blessèrent cinq cavaliers et leurs chevaux,