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Page:Cortés - Lettres à Charles Quint, trad. Charnay, 1896.djvu/136

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quelques pauvres bijoux de ceux que nous avions sauvés, ce dont ils me furent reconnaissants ; puis, je m’en allai avec eux à Tlascala où nous fûmes très bien reçus. Magiscatzin me fit présent d’un lit de bois garni d’étoffes pour que je pusse mieux dormir, car nous n’en avions pas, et tant qu’il put s’en procurer, il en distribua d’autres à mes compagnons. Quand je partis pour Mexico, j’avais laissé à Tlascala des malades et certains de mes domestiques avec de l’argent, des effets et objets divers, pour être plus libre de mes mouvements s’il survenait quelque chose ; toutes mes notes et tous les traités passés avec les naturels de cette région furent perdus ainsi que tous les effets de mes Espagnols qui n’emportaient rien autre que les vêtements qu’ils avaient sur le corps. J’appris qu’un autre de mes serviteurs était venu de la ville de la Veracruz m’apporter des vivres et objets divers en compagnie de cinq cavaliers et quarante-cinq fantassins, lequel avait emmené les gens que j’avais laissés derrière moi et emporté tout l’argent et biens divers appartenant à moi et à mes compagnons, ainsi que sept mille piastres en lingots d’or que j’avais laissés dans des coffres, sans compter d’autres bijoux et plus de quatorze mille piastres d’or en barres que le cacique de la province de Tuchitepec avait donné au capitaine que j’avais envoyé au Goatzacoalco, et autres choses précieuses qui valaient plus de trente mille piastres d’or. Eh bien ! les habitants de Culua, les Mexicains les avaient tués ou dépouillés. J’appris également qu’ils avaient assassiné sur les routes, beaucoup d’autres Espagnols qui venaient me rejoindre à Mexico, croyant que tout était en paix et que les chemins étaient sûrs comme je les avais laissés.

Je puis assurer Votre Majesté que nous éprouvâmes à la nouvelle de ces désastres la douleur la plus grande ; car la perte de ces Espagnols nous rappelait la mort de nos camarades, dans la ville, au passage des ponts et dans notre retraite. Cela me jeta dans des doutes inquiétants sur le sort de ma garnison de la Veracruz. Je craignais que nos anciens alliés en apprenant nos défaites ne se fussent révoltés. Je dépêchai donc aussitôt divers courriers auxquels des Indiens devaient servir de guides ; je les engageai à prendre des voies détournées pour