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Page:Cortés - Lettres à Charles Quint, trad. Charnay, 1896.djvu/174

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phées, ainsi que les vêtements et les armes des Espagnols que les Indiens avaient offerts à leurs idoles. Nous retrouvâmes le sang de nos amis répandu dans ces temples et ces chapelles, et ce fut un affreux spectacle qui renouvela toutes nos douleurs. Les misérables habitants de ce village et des autres environnants firent aux malheureux chrétiens, quand ils passèrent, le meilleur accueil pour les rassurer et les mieux trahir. Les Espagnols devaient en effet traverser un défilé dangereux où les cavaliers, obligés de mettre pied à terre, ne pouvaient utiliser leurs chevaux, chose prévue par les Indiens qui, placés en embuscade de chaque côté du défilé, massacrèrent une partie de ces hommes et s’emparèrent des autres pour les amener à Tezcoco et les sacrifier à leurs idoles ; et ce fut bien ainsi que les choses se passèrent ; car, lorsque Gonzalo de Sandoval passa par là, quelques-uns de ses Espagnols trouvèrent sur la muraille de l’une des maisons de ces villages, où les Indiens tuèrent les chrétiens, une inscription au charbon, disant : là fut fait prisonnier le malheureux Juan Juste, l’un des cinq cavaliers, — inscription qui brisa le cœur de ceux qui la virent.

Lorsque le grand alguazil arriva dans ce village, les habitants qui se savaient fautifs s’enfuirent aussitôt ; Sandoval les poursuivit, en tua un grand nombre et s’empara des femmes et des enfants qu’il emmena comme esclaves. Pris de pitié, il ne voulut cependant ni décimer la population, ni détruire le village, et avant de s’éloigner, il rappela les gens qui revinrent dans leurs maisons. Le pays est maintenant tranquille et les gens regrettent le passé. Le grand alguazil arriva cinq ou six lieues plus loin, à un village de Tlascala qui se trouve tout près des frontières mexicaines, et y rencontra les Espagnols et les Indiens qui portaient les brigantins. Le lendemain de son arrivée, tous se mirent en route avec les planches et les membrures que transportaient, dans l’ordre le plus parfait, plus de huit mille hommes : et, certes, c’était une chose merveilleuse à voir que le transport de ces treize navires à travers dix-huit lieues de plaines et de montagnes. Je puis certifier à Votre Majesté que la ligne des porteurs, de l’avant-garde à l’arrière-garde, s’étendait sur plus de deux lieues. L’avant-garde se composait de huit cava-