Aller au contenu

Page:Cortés - Lettres à Charles Quint, trad. Charnay, 1896.djvu/206

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

s’avancèrent dans la rue jusqu’à une distance de deux portées d’arbalète, où se trouvait un pont, voisin d’une place où s’élevaient les principales maisons de Mexico. L’ennemi n’en avait pas enlevé le tablier, il n’y avait pas construit de barricade, parce qu’il n’avait point prévu que nous remporterions de tels avantages ; nous-mêmes n’avions point ambitionné un tel succès.

À l’entrée de la place, je fis mettre une pièce en batterie, qui fit d’autant plus de mal que cette place était absolument remplie de combattants. Mes Espagnols voyant qu’il n’y avait pas de canaux, où se trouvaient pour nous les plus grands dangers, que tout était terre-plein, résolurent de pénétrer sur la place. Lorsque les Mexicains les virent s’avancer, accompagnés d’une multitude de nos alliés, qu’ils méprisaient absolument quand nous n’étions pas avec eux, ils s’enfuirent poursuivis par nos amis, qui les enfermèrent dans la cour des idoles, cour entourée d’une muraille de pierres. Dans ma précédente relation, j’ai dit que le circuit de cette cour était grand comme celui d’une ville de quatre cents maisons. Ils l’abandonnèrent aussitôt et nous l’occupâmes quelque temps ainsi que les Pyramides. Mais les Mexicains voyant que nous n’avions pas de cavalerie revinrent sur nous, reprirent les pyramides, nous chassèrent de la cour et nous jetèrent dans une situation des plus dangereuses ; notre retraite ressemblait à une fuite, quoique nous fissions face un instant sous les portiques de la cour. Mais nous fûmes assaillis avec une telle vigueur qu’on nous rejeta de la place dans la rue et que ma pièce d’artillerie fut démontée.

Ne pouvant résister aux assauts furieux des Mexicains, nous nous retirions en désordre sous le coup du plus grand désastre, quand il plut à Dieu de nous envoyer trois cavaliers qui arrivèrent chargeant au milieu de la place ; en les apercevant, l’ennemi crut qu’il en venait d’autres et s’enfuit, laissant quelques morts et nous abandonnant de nouveau la grande cour. Dix ou douze d’entre les principaux Indiens s’étaient retranchés sur la grande pyramide qui a plus de cent fortes marches d’élévation ; quatre ou cinq Espagnols y montèrent pour les déloger et quoiqu’ils se défendissent bien, ils s’emparèrent de la plateforme et les tuèrent tous. Cinq ou six cavaliers nous arrivèrent