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Page:Cortés - Lettres à Charles Quint, trad. Charnay, 1896.djvu/207

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encore et d’accord avec les premiers dressèrent une embuscade où périrent trente Mexicains. Comme la nuit approchait, je fis sonner la retraite, mais nous fûmes alors chargés par une telle multitude, que sans la cavalerie nous eussions couru les plus grands dangers. J’avais heureusement fait combler et aplanir tous les mauvais pas de la rue et de la chaussée, les chevaux pouvaient aller et venir, et lorsque les Indiens se précipitaient sur notre arrière-garde, nos cavaliers les chargeaient à coups de lance et en tuaient beaucoup ; et comme la rue était très longue, ils purent charger quatre ou cinq fois.

Mais quelque mal qu’ils reçussent, les Indiens se jetaient sur nous comme des chiens enragés que nous ne pouvions arrêter, pas plus que les empêcher de nous suivre. Tout le jour se passa donc en ces prises et reprises ; sauf que les ennemis occupaient de nouveau des plates-formes des maisons de la grain le rue, ce qui mettait nos chevaux en danger. Enfin, nous reprîmes le chemin de la chaussée et nous regagnâmes nos quartiers avec quelques blessés, mais après avoir incendié la plupart des belles maisons de la grande rue, de manière que, quand nous reviendrions, l’ennemi ne put plus nous faire de mal du haut des plates-formes. Ce même jour, Gonzalo de Sandoval et Pedro de Alvarado eurent de leurs côtés des combats sanglants à soutenir contre les Mexicains ; nous étions alors à une lieue et demie les uns des autres, ce qui est à peu près la dimension de la ville, je la crois même plus grande. Quant aux nombreux alliés nos amis, ils se battirent le plus courageusement du monde et se retirèrent sans aucune perte.

Sur ces entrefaites, Don Fernando, roi de la ville de Tezcoco et de la province d’Aculuacan, dont j’ai parlé plus haut à Votre Majesté, s’efforçait de nous gagner les gens de sa capitale et de son royaume, surtout les grands personnages, car ce n’étaient pas encore des alliés fidèles comme ils le devinrent plus tard. Chaque jour, Don Fernando recevait la visite de nombreux seigneurs et de quelques-uns de ses frères qui venaient se déclarer en notre faveur et demandaient à combattre les Mexicains à nos côtés. Comme Don Fernando était jeune, qu’il avait pour nous la plus grande affection et qu’il reconnaissait la grâce que je