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Page:Cortés - Lettres à Charles Quint, trad. Charnay, 1896.djvu/258

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Il y avait d’autres conjurés bien coupables, dont je feignis d’ignorer les noms et je ne requis point contre eux. Ils ne me tinrent cependant que peu de compte de ma clémence ; car depuis lors, ces partisans de Velazquez m’ont tendu diverses embûches, et ont cherché à me déconsidérer en secret, de sorte que j’avais plus à me garder d’eux que de mes ennemis indiens. Mais Dieu a ménagé les choses de telle façon, que sans avoir recours à aucune mesure violente, j’ai pu conserver la paix et la tranquillité. Mais si à l’avenir pareil fait se renouvelait, je punirais selon toute justice.

Depuis la prise de Mexico, Don Fernando, roi de Tezcoco, mourut à Culuacan, ce dont nous éprouvâmes tous la plus grande douleur, car il était un fidèle serviteur de Votre Majesté et notre meilleur ami. D’après l’avis et l’assentiment des principaux habitants de la ville, nous lui donnâmes pour successeur l’un de ses plus jeunes frères, que nous baptisâmes sous le nom de Don Carlos. Il suivra, autant que nous en pouvons juger, les traces de son frère, car il se plaît beaucoup en notre société.

Dans une relation précédente, je disais à Votre Majesté, que près des provinces de Tlascala et de Guajocingo, s’élevait une montagne ronde, très haute d’où sortait continuellement une colonne de fumée qui s’élançait comme une flèche droit au ciel. Les Indiens nous disant que les abords en étaient très dangereux et que ceux qui voulaient y monter en mouraient, j’engageai certains de mes Espagnols à visiter cette montagne. Au moment où ils tentaient l’ascension, la fumée s’échappait avec un tel bruit, qu’ils n’osèrent ni ne purent arriver au sommet. Je fis partir d’autres hommes, et deux fois ils parvinrent à la bouche de la montagne d’où sortait la fumée. Cette bouche a en largeur deux portées d’arbalète, car elle a de tour près de trois quarts de lieue ; elle a une telle profondeur qu’on ne voit pas le fond, et tout autour on trouve du soufre que dépose la fumée. Une fois arrivés, mes hommes entendirent un bruit formidable ; ils se hâtèrent de descendre, mais ils n’étaient pas arrivés à la moitié de la descente qu’ils furent assaillis par une pluie de pierres et coururent les plus grands dangers. Les Indiens considérèrent cette expédition des Espagnols comme un véritable exploit.