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Page:Cortés - Lettres à Charles Quint, trad. Charnay, 1896.djvu/284

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les proclamations faites à ce sujet, qu’ils seraient forcés de rejoindre leur commandant, ces hommes se dispersèrent aussitôt dans l’intérieur et dans des lieux divers, par troupes de trois et de six, se cachant si bien, qu’on ne pouvait les découvrir. Les Indiens de la province furent indignés de voir ces Espagnols répandus dans leurs villages où ils commettaient mille exactions, enlevant les vivres, violant les femmes et autres turpitudes qui soulevèrent la contrée tout entière. La rébellion parut d’autant plus facile aux Indiens, qu’ils nous croyaient divisés, se rappelant les proclamations de Garay dont j’ai parlé plus haut.

Ils s’informèrent donc avec soin des endroits divers où se retiraient les Espagnols, après quoi, de jour et de nuit, ils se mirent à leur poursuite, et comme les malheureux étaient dispersés et sans armes, ils en massacrèrent un grand nombre. Leur audace s’en accrut à tel point qu’ils vinrent assiéger la ville de Santisteban que j’avais fondée au nom de Votre Majesté, et à laquelle ils livrèrent des assauts si furieux que les habitants se crurent à deux doigts de leur perte ; ils ne durent le salut qu’à leur union qui leur permit de prendre l’offensive, où dans de vigoureuses sorties ils finirent par disperser leurs adversaires.

Les choses en étaient là, quand je reçus la nouvelle de ce qui s’était passé par un de nos piétons qui avait échappé en une défaite et qui me conta comment tous les naturels de la province de Panuco avaient levé l’étendard de la révolte ; qu’ils avaient tué une foule des Espagnols de Garay qui étaient restés là-bas, ainsi que des habitants de la ville, et je crus à l’entendre que pas un n’avait survécu. Dieu sait quel fut mon désespoir, prévoyant quels désastres un tel événement verserait sur une province qui pouvait dès lors nous échapper. Mais cette nouvelle affecta plus profondément encore le gouverneur Francisco de Garay, lui qui sentait combien tout cela était de sa faute, et qui avait laissé un fils dans cette province avec tout ce qu’il avait apporté ; il en tomba malade et mourut au bout de trois jours.

Mais je voudrais éclairer plus encore Votre Grandeur au sujet de cet événements : l’Espagnol qui m’apporta la nouvelle