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Page:Cortés - Lettres à Charles Quint, trad. Charnay, 1896.djvu/31

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remontâmes la rivière jusqu’au premier village. À notre arrivée, nous trouvâmes les habitants assemblés sur la rive ; le capitaine leur adressa la parole au moyen d’Aguilar qui, ayant habité le Yucatan, parlait leur langue : il leur dit, qu’en venant dans leur pays, il n’avait l’intention de leur faire aucun mal, mais seulement de leur parler de Vos Majestés, et qu’en conséquence, il les priait de lui permettre de débarquer, car nous n’avions d’autre endroit pour dormir que les barques et les brigantins, où nous pouvions à peine tenir debout, et qu’il était trop tard pour reprendre la mer.

Les Indiens répondirent à Cortes, qu’il continuât de leur parler de l’endroit où il était, mais qu’il se gardât bien de descendre à terre ni lui ni ses gens, qu’ils s’y opposaient absolument : ce disant, ils se mirent en bataille, nous menaçant et nous enjoignant de partir. Il était tard, et comme le soleil allait se coucher, le capitaine nous conduisit sur des bancs de sable situés en face du village où nous mîmes pied à terre et où nous passâmes la nuit. Le jour suivant, de bon matin, plusieurs Indiens nous arrivèrent en canots ; ils nous apportaient des poules et un peu de maïs, à peine de quoi suffire au déjeuner de quelques hommes ; ils nous dirent de prendre ces vivres et de nous en aller.

Le capitaine leur répondit par ses interprètes, qu’il n’entendait pas quitter la contrée sans en connaître l’aspect et les ressources afin de pouvoir en écrire à Vos Majestés un rapport exact et détaillé ; qu’il les priait de ne point s’en offenser et lui permissent l’entrée de leur village, puisque en somme ils étaient vassaux de Vos Altesses Royales. Mais ils nous dirent de nouveau de bien nous garder de pénétrer dans le village, et de nous en aller sur l’heure ; puis ils partirent. Après leur départ, le capitaine résolut malgré tout d’aller chez eux ; il ordonna à l’un des lieutenants qui l’accompagnaient de prendre avec lui deux cents hommes et de tourner le village par un chemin que nous avions reconnu la veille, pendant que lui, avec quatre-vingts hommes, irait avec les brigantins et les barques se présenter en face du village où il sauterait à terre si les Indiens le permettaient. À son arrivée, il trouva les Indiens en costume de guerre, armés