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Page:Cortés - Lettres à Charles Quint, trad. Charnay, 1896.djvu/316

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femmes, à qui je demandai où étaient le cacique et ses gens ? Ils me répondirent qu’ils s’étaient dispersés dans les bois, chacun tirant de son côté et vaguant parmi les rivières.

Je leur demandai de m’indiquer le chemin de Chilapan, qui d’après ma carte se trouvait dans cette direction ; je n’en pus rien tirer. Ils disaient que n’allant jamais par terre, mais par les canaux et les rivières, ils ne connaissaient pas d’autre route. Tout ce que je pus obtenir d’eux, fut de me signaler une montagne à dix lieues de là, me disant que c’était de ce côté que devait se trouver Chilapan ; que tout près passait une grande rivière se réunissant plus bas à celle de Zaguatan, pour aller se jeter toutes deux dans le Tabasco. Ils ajoutaient qu’il y avait en amont un autre village nommé Ocumba, mais qu’ils n’en connaissaient pas le chemin par terre.

Je restai vingt jours dans ce village, cherchant de toutes parts un chemin qui resta introuvable ; nous n’avions autour de nous que d’épouvantables marais qu’il nous paraissait impossible de traverser ; voyant que les vivres allaient nous manquer, je me recommandai à Dieu, et je fis construire un pont de trois cents pas de longueur et construit avec des pièces de bois de trente-cinq à quarante pieds, avec d’autres en travers, sur lesquelles nous pûmes passer. Nous poursuivîmes alors notre route à la recherche de ce fameux village de Chilapan[1] ; j’envoyai d’un autre côté, une compagnie de cavaliers accompagnés de quelques arbalétriers à la recherche de l’autre village appelé Ocumba ; ils y arrivèrent ce jour même et y passèrent à la nage avec deux canoas dont ils s’emparèrent. La population entière s’était enfuie et ils ne purent s’emparer que de deux hommes et de quelques femmes. Ils trouvèrent dans ce village beaucoup de vivres et revinrent au-devant de moi. Je passai la nuit dans la forêt.

Dieu voulut que cette partie du pays fût plus ouverte, plus sèche, avec moins de marécages ; les Indiens pris à Ocumba nous conduisirent à Chilapan, où en arrivant le soir fort tard nous trouvâmes le village incendié et les habitants en fuite ; ce village était très important et dans une magnifique situation,

  1. Tout ce que Cortes appelle villages sont des villes et de grandes villes.