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Page:Cortés - Lettres à Charles Quint, trad. Charnay, 1896.djvu/323

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d’Istapan avec des pirogues pour remonter le fleuve jusqu’à Signatecpan, avec ordre de rassurer les unis qu’ils rencontreraient en chemin et de gagner le village de Ozumazintlan où je les attendrais si j’arrivais le premier ; dans le cas contraire, ce seraient eux qui m’attendraient. Aussitôt qu’ils furent embarqués, je partis avec mes guides ; au sortir du village je tombai dans un grand marais d’une demi-lieue de large que nous passâmes, grâce à nos Indiens, qui le comblèrent en partie avec des branches et des joncs. De là, nous donnâmes sur un estuaire où il fallut construire un pont pour y faire passer les selles et les bagages et quant aux chevaux, ils le traversèrent à la nage.

Ayant franchi cet estuaire, nous en rencontrâmes un autre plus large, où les chevaux avaient de l’eau jusqu’aux genoux et quelquefois, jusqu’au ventre. Le sol étant assez ferme, nous passâmes sans trop de difficultés et nous arrivâmes dans les bois où nous cheminâmes pendant deux jours, ouvrant une route dans la direction que nous indiquaient nos guides, quand tout à coup, ils nous dirent qu’ils étaient égarés et ne savaient plus où ils allaient ; la forêt était si épaisse qu’on voyait à peine le ciel au-dessus de nos têtes et les hommes que je fis monter sur les arbres les plus hauts, ne voyaient rien au delà d’une portée de canon.

Ceux qui allaient en avant avec les guides, ouvrant la route, m’ayant fait dire que ceux-ci ne savaient plus où ils se trouvaient, je fis arrêter la colonne et je m’en fus à pied les rejoindre ; en voyant l’embarras dans lequel nous nous trouvions, je fis rebrousser chemin à ma troupe qui revint jusqu’à un petit marais que nous avions passé le matin, parce qu’il y avait là de l’eau et un peu d’herbe pour nos chevaux, qui n’avaient rien mangé depuis deux jours ; nous y passâmes la nuit, souffrant de la faim avec une bien faible espérance d’atteindre le village, si bien que mes gens étaient plus morts que vifs. Je consultai une boussole que je portais avec moi et qui m’avait plusieurs fois servi de guide, car jamais nous ne nous étions trouvés en telle extrémité. Cette boussole en main, je me souvins que, d’après les renseignements fournis par les Indiens, le