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Page:Cortés - Lettres à Charles Quint, trad. Charnay, 1896.djvu/324

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village devait se trouver au nord-est de l’endroit où nous étions, je la donnai donc à ceux qui ouvraient la route à l’avant, en leur disant de marcher dans cette direction, ce qu’ils firent. Grâce à Dieu, je devinai si bien, que vers le soir mes hommes tombèrent juste sur les temples qui se trouvaient au milieu du village. Mes gens éprouvèrent une telle joie que, perdant la tête, ils se mirent à courir au village sans remarquer un marais qui le précédait où s’envasèrent une foule d’entre eux dont quelques-uns ne purent être tirés que le lendemain ; heureusement, nous n’en perdîmes pas un seul. Pour nous, qui venions en arrière, nous tournâmes le marais non sans trop de difficultés.

Dans ce village de Signatecpan, les habitants avaient brûlé jusqu’aux temples ; nous n’y trouvâmes personne et nous restâmes sans nouvelles des canoas. Il y avait beaucoup de maïs, beaucoup plus que dans les villages précédents, il y avait de la yuca et de bons pâturages pour nos chevaux. Les rives du fleuve sont en effet très belles et c’est là que nous trouvâmes d’excellent fourrage. Nous oubliâmes un peu nos privations au milieu de cette abondance, mais je ne pouvais me consoler de l’absence de mes canoas. En me promenant dans le village, je découvris tout à coup une sagette plantée dans le sol, d’où je conclus que les canoas avaient passé par là, puisqu’elles n’avaient à bord que des arbalétriers. J’en conçus une grande douleur, pensant que mes hommes s’étaient battus et avaient été tués, puisque pas un ne paraissait.

Ayant découvert quelques petites pirogues, j’envoyai de mes hommes de l’autre côté de la rivière où ils trouvèrent une grande étendue de champs cultivés qu’ils traversèrent pour arriver à une lagune, où dans les îles et dans leurs canoas s’étaient réunis tous les habitants du village. En voyant les Espagnols, ils vinrent à eux en toute confiance et sans comprendre ce qu’on leur disait. On m’en amena trente ou quarante ; ils me dirent qu’ils avaient brûlé leur village sur les conseils du cacique de Zaguatan et s’étaient réfugiés dans les lagunes par la crainte qu’il leur avait inculquée ; que, plus tard, des chrétiens de ma compagnie étaient arrivés dans des canoas avec des