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Page:Cortés - Lettres à Charles Quint, trad. Charnay, 1896.djvu/334

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tel avait dit telle chose, un autre telle autre chose, de sorte qu’ils avouèrent tous que Guatimozin et Tetepanquencal avaient organisé la conspiration ; qu’ils en avaient reçu la confidence, mais qu’ils n’avaient jamais consenti à en faire partie. Je fis donc pendre ces deux seigneurs et mis les autres en liberté, quoiqu’en somme ils méritassent aussi la mort. Je laissai néanmoins la cause pendante, de façon qu’à la moindre alerte je pusse la reprendre ; mais les autres conspirateurs furent tellement épouvantés, que je doute fort qu’ils retombent jamais dans la même faute ; ils ignoraient que personne m’eût dénoncé l’affaire, et ils restèrent persuadés que j’avais quelque pouvoir magique qui me permet de découvrir toutes choses.

C’est que, plusieurs fois, ils avaient vu que, pour trouver ma route, je tirais une boussole en même temps que j’examinais une carte marine ; principalement quand nous étions dans le voisinage de la mer, et ils avaient dit à certains de mes Espagnols et à moi-même, quand j’exhibais ma boussole, de vouloir bien la regarder en même temps que la carte et que j’y verrais combien ils m’étaient dévoués, puisque c’était par là que je devinais toutes choses ; je leur laissai naturellement croire que cela était la vérité.

Cette province d’Acalan est des plus importantes ; elle compte une infinité de villages et une nombreuse population. Plusieurs habitants prétendent avoir vu mes Espagnols. La terre y est très fertile, les vivres y abondent, il y a beaucoup de miel. Il y a de nombreux marchands et négociants qui vendent et achètent une foule de marchandises, sont riches en esclaves et en tout ce que le sol produit. La province est entourée d’estuaires qui tous communiquent avec la baie ou port que les Indiens appellent Terminos ; ils sont avec leurs canoas en communications régulières avec le Xicalanco et le Tabasco et l’on croit même, sans en être sûr, qu’ils peuvent passer à la mer du sud ; de sorte que la contrée appelée Yucatan serait une île. Je m’efforcerai de découvrir la vérité et j’en ferai un rapport spécial pour Votre Majesté.

Suivant ce que j’appris, il n’y a d’autre chef, dans le pays, que le marchand le plus riche, qui a le plus de pirogues en circulation,