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Page:Cortés - Lettres à Charles Quint, trad. Charnay, 1896.djvu/34

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avec les Indiens dont la multitude était si grande, que ni ceux qui luttaient contre l’infanterie espagnole ne voyaient les gens à cheval, ni ne savaient même où ils se trouvaient, et que les cavaliers eux-mêmes qui chargeaient au milieu des Indiens ne se voyaient pas entre eux. Mais lorsqu’enfin les Espagnols aperçurent les cavaliers, ils s’élancèrent avec furie de leur côté, mettant les Indiens en fuite. La poursuite se continua pendant une demi-lieue. Le capitaine voyant les Indiens en fuite, pensant qu’il n’y avait plus aucun avantage à les poursuivre et que ses hommes étaient fatigués, ordonna que tout le monde se réunit dans certaines habitations voisines ; et les passant en revue, il se trouva vingt hommes blessés, dont pas un ne mourut, pas plus que de ceux qui avaient été blessés la veille.

lue fois les blessés pansés et guéris, nous regagnâmes notre camp, emmenant avec nous deux Indiens prisonniers, que le capitaine fit mettre en liberté avec lettres pour les caciques, recommandant bien de leur dire, que s’ils voulaient venir le trouver, il leur pardonnerait et seraient bons amis. Ce même jour dans la soirée, deux Indiens nous arrivèrent paraissant des chefs ; ils dirent qu’ils se repentaient de ce qui était arrivé, que les caciques demandaient que nous ne leur fissions plus de mal, que nous leur avions tué plus de deux cents hommes et que le passé fût oublié : que dorénavant ils se reconnaissaient pour vassaux des princes dont nous leur avions parlé ; qu’ils le déclaraient de bonne foi et se soumettraient à tous les services qu’on réclamerait en leur nom. La paix fut donc conclue ; puis le capitaine demanda à ces Indiens d’où venaient tous ces guerriers qui prirent part à la bataille ; ils répondirent qu’ils appartenaient à huit provinces diverses et que selon leur appréciation ils montaient à quarante mille hommes, chiffre exact d’après leur manière de compter.

Vos Majestés peuvent tenir pour certain que cette bataille fut gagnée par la volonté de Dieu plutôt que par notre courage, puisque nous comptions à peine quatre cents hommes contre quarante mille.

Nos relations amicales bien établies, les Indiens nous donnèrent, les quatre ou cinq jours que nous demeurâmes au milieu