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Page:Cortés - Lettres à Charles Quint, trad. Charnay, 1896.djvu/340

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canoa pour observer la route. Quoiqu’il fut surpris, ne s’attendant à rien de fâcheux, il se serait échappé sans un de nos chiens qui se jeta sur lui avant qu’il atteignît la lagune.

Cet Indien me dit que personne ne soupçonnait mon arrivée. Je lui demandai s’il y avait un passage pour atteindre le village, il me dit que non ; mais il ajouta que, près de là, en traversant un petit bras de la lagune, il y avait des fermes et des maisons, où, si je pouvais arriver sans être signalé, je trouverais quelques pirogues. Je fis aussitôt venir une douzaine d’arbalétriers avec lesquels, sous la conduite de l’Indien, nous passâmes un marais avec de l’eau jusqu’à la ceinture et parfois davantage ; nous arrivâmes en vue des fermes en question, mais quoi que nous fissions pour nous dissimuler, on nous avait vus, et nous arrivâmes au moment où les Indiens s’embarquaient dans leurs canots et poussaient au large. Je longeai en toute hâte les bords de la lagune au milieu de champs cultivés, mais partout nous avions été signalés et tout le monde fuyait. Il était tard, je poursuivis encore, ce fut en vain.

Je campai au milieu des cultures, je réunis mes gens et je pris toutes les précautions possibles, car l’Indien de Mazatcan m’assurait que les gens de Tayasal étaient fort nombreux et de grands guerriers, que redoutaient toutes les provinces voisines. Cet Indien me demanda de le laisser partir dans sa petite canoa pour retourner à la ville qui était bien à deux lieues de là au milieu de la lagune, me promettant de parler au cacique, qu’il connaissait parfaitement et qui s’appelait Canek. Il lui dirait mes projets et la cause de ma présence dans le pays ; il m’assura qu’il le croirait volontiers, étant connu de lui et l’ayant bien des fois visité dans sa demeure. Je lui livrai la canoa avec l’Indien qui l’avait amenée, je le remerciai de ses bonnes intentions et lui promis de le récompenser, s’il réussissait.

Il partit et revint dans la nuit accompagné de deux personnages qui m’étaient envoyés par le cacique pour me voir, s’assurer près de moi de ce que leur avait rapporté l’Indien et me demander ce que je voulais. Je les reçus gracieusement, leur fis cadeau de bagatelles diverses et leur dis que j’étais venu dans leur pays, envoyé par Votre Majesté, pour m’entendre avec les