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Page:Cortés - Lettres à Charles Quint, trad. Charnay, 1896.djvu/341

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seigneurs et leurs sujets, de choses qui touchaient au service de Votre Altesse. Je les priai de dire à leur maître de bannir toute crainte, de venir me voir et que pour prouver ma bonne foi, je lui enverrai un de mes Espagnols comme otage. Ils s’en retournèrent emmenant le guide et l’Espagnol. Le lendemain, de bonne heure, le cacique arriva suivi d’une trentaine d’hommes dans une demi-douzaine de pirogues : il ramenait l’Espagnol que j’avais envoyé comme otage et paraissait fort content. Je les reçus à merveille, et comme c’était l’heure de la messe je la fis célébrer dans la plus grande pompe, avec chants accompagnés de trombones et de hautbois que j’avais dans ma compagnie. Ces gens en suivirent les cérémonies avec la plus grande attention ; la messe terminée, je fis venir mes religieux qui, au moyen de l’interprète, leur firent un sermon touchant notre sainte foi, leur expliquant qu’il n’y avait qu’un seul Dieu et l’erreur de leurs croyances ; le Canek en parut très touché, et me dit qu’il voulait tout de suite briser ses idoles et se prosterner devant le Dieu que nous adorions et qu’il serait heureux de savoir de quelle manière il pourrait l’honorer ; il me pria de me rendre avec lui dans son village pour me montrer comment il brûlerait ses idoles et me demanda de laisser à Tayasal une de ces croix que j’élevais dans tous les villages où je passais.

Après le sermon, je m’efforçai de lui faire comprendre la grandeur de Votre Majesté et comment tous les peuples du monde étaient ses vassaux et ses sujets, que tous nous lui devions hommage et que Votre Majesté le comblerait de faveurs, comme j’en avais déjà distribué en votre nom royal à tous ceux qui avaient accepté son joug, et que je lui en promettais autant. Il me répondit que jusqu’alors, il n’avait pas reconnu de maître, ni pensé que personne le pouvait devenir ; « il est vrai, ajouta-t-il, que des gens de Tabasco passant à Tayasal il y avait cinq ou six ans, lui avaient parlé d’un capitaine accompagné de quelques Indiens, qui les avait vaincus trois fois et leur avait dit de se déclarer les sujets d’un grand seigneur, c’est-à-dire exactement ce que je venais de lui répéter » ; et il me demanda si par hasard c’était moi ? Je lui affirmai que c’était