Aller au contenu

Page:Cortés - Lettres à Charles Quint, trad. Charnay, 1896.djvu/343

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

regagner la terre où je dormis. Je retrouvai mes gens qui longeaient la côte de la lagune où nous campâmes ; j’avais dû laisser dans les fermes dépendant de la ville, un de mes chevaux qui avait une jambe blessée et qui ne pouvait marcher ; le seigneur me promit d’en prendre soin, j’ignore ce qu’il en fit.

Le jour suivant, avant réuni mes gens, nous nous mîmes en route sous la conduite de nus guides ; à une demi-lieue du camp, nous atteignîmes une petite plaine et plus loin une rangée de collines sur une étendue d’une lieue et demie pour retomber sur de très jolies plaines, d’où j’envoyai en avant quelques chevaux et des fantassins, les guides nous ayant avertis que nous arriverions à un village cette nuit. Dans ces plaines nous trouvâmes une multitude de chevreuils que les cavaliers poursuivirent à coups de lance ; ils en tuèrent dix-huit. À la suite de cette chasse, le soleil aidant et le manque d’entraînement pour nos chevaux qui ayant traversé défilés, montagnes et marais, avaient perdu l’habitude de courir, il nous en mourut deux et plusieurs furent en grand danger.

Notre chasse terminée, nous poursuivîmes notre route, et peu de temps après j’aperçus nos coureurs arrêtés et maintenant quatre Indiens chasseurs, dont ils s’étaient emparés : ceux-ci apportaient un lion et des iguanes qui sont de grands lézards que l’on trouve aussi dans les îles. Je demandai à ces Indiens si l’on se doutait de ma présence dans leur village, ils me dirent que non et me le montrèrent à une lieue plus loin ; je me hâtais donc pour y arriver, croyant ne rencontrer aucun obstacle ; mais au moment où je croyais l’atteindre et que j’en voyais les habitants, je tombai sur un grand marais très profond. Je m’arrêtai et j’appelai les Indiens ; il en vint deux dans une canoa qui m’apportaient une douzaine de poules ; ils arrivèrent près de moi, car j’étais dans l’eau, mon cheval enfoncé jusqu’au ventre, mais se maintinrent à une certaine distance. Je m’efforçai en vain de les rassurer, ils refusèrent de s’approcher et commencèrent à se diriger du côté de leur village, quand un Espagnol qui était à cheval près de moi se jeta à l’eau et les poursuivit à la nage ; alors, de peur, ils abandonnèrent la canoa, lorsque d’autres Indiens arrivèrent à la nage et s’en emparèrent.