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Page:Cortés - Lettres à Charles Quint, trad. Charnay, 1896.djvu/344

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Pendant ce temps, tous les gens que nous avions vus dans le village en étaient partis : je demandai aux Indiens par où je pouvais passer et ils me montrèrent un chemin qui contournait le marais une lieue au delà et qui me conduisit en un terrain sec.

Nous allâmes cette nuit-là dormir dans le village, qui se trouve à huit grandes lieues du point d’où nous étions partis, ce village s’appelait Thécon et le cacique Amohan. Je restai là quatre jours, m’approvisionnant de vivres pour six jours de pays déserts que, selon les guides, nous aurions à traverser ; j’espérais aussi que le cacique viendrait me voir ; je l’envoyai chercher, je lui prodiguai les assurances ; jamais il ne voulut venir, ni lui ni ses gens.

Ayant réuni tous les vivres que je pus amasser, je partis, et cette première journée fut agréable et charmante, car nous eûmes une route plane, et nous passions dans un beau pays. Après un trajet de six lieues, au pied des montagnes et près d’une rivière, nous trouvâmes une grande maison : les guides me dirent que c’était la demeure de Amohan, seigneur de Thécon, et qu’il la tenait comme hôtellerie pour les nombreux marchands qui passaient par là. J’y demeurai un jour sans compter celui de mon arrivée, parce que c’était fête et que je voulais donner à mes hommes le temps d’ouvrir la route. Nous fîmes dans cette rivière une pêche miraculeuse, composée d’une multitude d’aloses, dont pas une n’échappa de nos filets.

Le lendemain je partis ; ce fut une rude journée de sept lieues à travers bois et montagnes, qui nous mena dans une belle savane semée de quelques sapins. Dans cette savane de deux lieues de large, nous tuâmes sept chevreuils et nous dînâmes au bord d’un joli ruisseau qui servait de limite à la plaine. Sitôt après, nous entrâmes dans un défilé étroit et rude où les chevaux tenus en bride avançaient avec peine. À la descente, nous traversâmes une petite plaine pour monter et redescendre ensuite pendant plus de deux lieues dans un chemin tellement affreux qu’il n’y eut pas un seul de nos chevaux qui n’y perdît ses fers. Nous passâmes la nuit au bord d’un ruisseau et j’y restai le jour suivant jusqu’à l’heure de vêpres, attendant