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Page:Cortés - Lettres à Charles Quint, trad. Charnay, 1896.djvu/348

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an, avaient fui et s’en étaient allés dans d’autres provinces.

Pour lui et certains de ces amis d’Acalan, ils avaient demandé et obtenu de Acahuilgin cacique d’Acuculin, la permission de se fixer dans ses terres, avaient fondé un petit village en tel endroit qu’il leur avait désigné, où ils avaient établi des comptoirs ; il ajouta que le commerce était fort réduit depuis l’arrivée des Espagnols, parce qu’on devait passer par Nito et que personne n’osait plus y aller. Il s’engageait à m’y conduire ; mais avant d’y arriver, il nous faudrait traverser un bras de mer et d’ici là de grandes montagnes très difficiles, demandant dix journées de marche.

Je me réjouis beaucoup d’avoir rencontré un si bon guide et le comblai de prévenances. Les Indiens que je ramenais de Mazatcan et de Tayasal, lui dirent que je les avais toujours bien traités et que j’étais un ami d’Apaspolon son seigneur. Ces confidences parurent le rassurer et je le fis mettre en liberté, ainsi que ceux qu’on m’avait amenés avec lui ; je pus donc renvoyer les guides qui m’avaient suivi jusque-là ; ils me quittèrent fort satisfaits des récompenses dont je payai leurs services.

J’envoyai immédiatement quatre des Indiens d’Acuculin et deux autres des hôtelleries de Tenciz pour avertir le cacique d’Acuculin de mon arrivée et le prier de ne pas s’enfuir. Derrière eux j’envoyai d’autres hommes pour ouvrir la route ; deux jours après je partis parce que j’étais à court de vivres et quoique nous eussions bien besoin de nous reposer ; nos pauvres chevaux surtout, que nous menâmes par la bride. Le matin du jour suivant je constatai l’absence du guide qui s’était enfui : j’en eus d’autant plus de douleur que j’avais renvoyé les autres. Je poursuivis ma route et campai cinq lieues plus loin dans une forêt où nous eûmes à franchir de si terribles passages, qu’un de nos chevaux sain jusqu’alors resta fourbu. Le jour suivant nous fîmes six lieues et traversâmes deux rivières. On passa l’une, grâce à un grand arbre tombé qui atteignait d’un bord à l’autre ; quant aux chevaux, ils passèrent à la nage et nous perdîmes deux juments ; nous passâmes l’autre en canoas et les chevaux à la nage, et j’allai dormir dans un petit village com-