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Page:Cortés - Lettres à Charles Quint, trad. Charnay, 1896.djvu/358

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milieu des bois, nous la suivîmes pendant près de cinq lieues et par des montées si rapides que le plus souvent nous allions à quatre pattes ; elle nous conduisit à des champs de maïs au milieu desquels se trouvait une cabane où nous nous emparâmes de trois Indiennes et d’un Indien le propriétaire du champ. Ceux-ci nous conduisirent à un autre champ de maïs où nous prîmes deux femmes, et, poursuivant, avec ces gens pour guides, nous arrivâmes à une grande exploitation agricole, où se trouvaient disséminées une quarantaine de cabanes toutes neuves ; mais les habitants avertis de notre présence avaient pris la fuite. Comme ils avaient été surpris, ils n’eurent pas le temps de tout emporter, et nous trouvâmes des poules, des pigeons, des faisans et des perdrix dans des cages, mais ni maïs sec ni sel.

Nous passâmes la nuit dans ces cabanes où nous soupâmes de maïs vert et de gibier ; il y avait à peine deux heures que nous étions installés quand arrivèrent deux Indiens du village, fort étonnés de trouver chez eux de tels hôtes : mes sentinelles me les amenèrent ; je leur demandai s’il y avait d’autres villages dans les environs ? ils me répondirent qu’il y en avait et qu’ils m’y conduiraient les jours suivants, parce qu’il fallait y arriver de nuit. Nous partîmes de bonne heure suivant un chemin pire encore que le premier ; car, outre qu’il était à peine tracé, il nous fallut, tout près de là, passer une de ces rivières qui toutes se précipitant de ces hautes montagnes, vont former ces golfes d’eau douce, puis ce grand fleuve qui va se jeter à la mer, comme je l’ai déjà dit à Votre Majesté. Nous fîmes sept lieues de cette manière sans rencontrer un village, et nous avions traversé quarante-cinq torrents furieux sans compter une infinité de petits ruisseaux. Nous rencontrâmes trois Indiennes chargées de maïs qui venaient du village où nous allions.

Ces femmes nous confirmèrent la bonne foi de notre guide : effectivement, au coucher du soleil, nous entendions un bruit de gens ; je demandai à ces femmes ce que c’était ? elles me répondirent que les Indiens célébraient une fête. Alors je fis silencieusement entourer le village de mes hommes qui se cachèrent dans le bois, je plaçai des sentinelles près des mai-