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Page:Cortés - Lettres à Charles Quint, trad. Charnay, 1896.djvu/359

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sons et d’autres sur le chemin, pour qu’on s’emparât de tout individu qui en sortirait, et nous restâmes là toute la nuit par la plus effroyable pluie qui fut jamais, dévorés par les moustiques, nuit tellement obscure et orageuse que deux ou trois fois je résolus de me rendre au village sans pouvoir y réussir, et cependant j’en étais si rapproché que j’entendais les voix des habitants.

Nous fûmes donc obligés d’attendre le jour, et nous arrivâmes si bien à point que nous surprîmes toute la population endormie. J’avais donné l’ordre que personne n’entrât dans les maisons ou ne poussât un cri avant d’avoir entouré les principales maisons, celle du cacique et un grand hangar où les guides nous avaient dit que dormaient tous les guerriers. Notre bonne fortune voulut que nous tombassions d’abord sur le hangar où ils reposaient ; comme il faisait jour et qu’on y voyait parfaitement, l’un de mes soldats, en voyant tant d’Indiens avec leurs armes, crut bien faire, nous sachant si peu nombreux, de pousser notre cri de guerre : Santiago ! Santiago ! Les Indiens réveillés se saisirent de leurs armes, et comme le hangar n’était qu’un simple toit soutenu sur des piliers purent s’échapper à loisir parce que nous ne pouvions envelopper tout le hangar. Je puis assurer Votre Majesté que si cet homme n’avait pas donné l’alarme, il ne se serait pas échappé un seul de ces Indiens et que c’eût été la chose la plus extraordinaire. J’aurais certainement tiré le meilleur parti de cette aventure en mettant nos prisonniers en liberté, en leur expliquant la raison de ma venue chez eux, en les rassurant, et leur montrant que je ne leur voulais aucun mal : j’aurais pu m’en faire des amis. Ce fut tout le contraire.

Nous prîmes quinze hommes et une vingtaine de femmes ; on en tua une douzaine qui se défendirent, parmi lesquels le cacique, que les prisonniers me désignèrent parmi les morts. Nous ne trouvâmes rien dans ce village qui pût nous servir, le maïs vert n’étant pas un aliment dont nous avions besoin. Je restai deux jours dans ce village pour laisser reposer mes hommes, et demandai aux Indiens s’ils ne connaissaient point un autre village où je pourrais me procurer du maïs sec. Ils me répon-