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Page:Cortés - Lettres à Charles Quint, trad. Charnay, 1896.djvu/360

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dirent qu’il y en avait un appelé Chacuyal on je trouverais toutes espèces de provisions. Je partis donc avec mes nouveaux guides dans la direction de ce village ; nous fîmes six grandes lieues de route exécrable coupée d’une infinité de ruisseaux, et j’arrivai au milieu d’immenses cultures, qui appartenaient au village où nous allions. Nous fîmes un détour d’au moins deux lieues dans les bois pour ne pas être signalés, et mes hommes d’avant-garde s’emparèrent de huit Indiens bûcherons et chasseurs qu’ils rencontrèrent dans la forêt. Comme la nuit arrivait, mes guides me conseillèrent de faire halte, car nous approchions du village. Je m’arrêtai et je stationnai dans le bois jusqu’à trois heures du matin et me remis en route ; nous traversâmes une rivière profonde, où nous avions de l’eau jusqu’au cou, et si rapide qu’il fallut nous masser les uns contre les autres pour ne pas être emportés. Heureusement, nous ne perdîmes pas un des nôtres.

La rivière franchie, les guides me dirent que le village était tout près : je fis arrêter mes hommes et m’en fus, avec deux compagnies, jusqu’en vue des maisons ; j’entendis même des gens parler et je compris qu’on ne se doutait pas de ma présence. Je retournai à mes hommes que je fis se reposer et je mis six d’entre eux à la garde du village de chaque côté du chemin, puis j’allai me reposer aussi au milieu de mes gens. À peine m’étais-je étendu sur un tas de paille, que l’une de mes sentinelles vint me dire qu’un grand nombre d’hommes armés arrivaient par le sentier et qu’ils allaient causant entre eux comme des gens tout à fait tranquilles. Je les aperçus et la distance qui les séparait du village étant fort courte, ils vinrent tomber sur mes sentinelles sur lesquels ils décochèrent une nuée de flèches, jetèrent l’alarme dans le village, et s’enfuirent en combattant.

Nous pénétrâmes à leur suite dans la ville, mais la nuit étant obscure, ils disparurent dans le dédale des maisons. Je défendis à mes gens de se débander, craignant qu’on ne nous eût dressé quelque embûche, et nous pénétrâmes en corps sur la grande place où se trouvaient les temples sur leurs pyramides avec, tout autour, les demeures des prêtres comme à Mexico. Cette vue nous épouvanta quelque peu, parce que depuis Acalan, nous