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Page:Cortés - Lettres à Charles Quint, trad. Charnay, 1896.djvu/375

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et un sieur Gaspar Troché, habitant de l’île San Juan, lui dirent de nous donner tout ce que nous lui demandions, et qu’ils s’engageaient à le lui payer, là où il l’exigerait, jusqu’à la somme de cinq ou six mille piastres ; qu’il savait bien qu’ils étaient bons pour cette somme ; qu’ils s’engageaient ainsi pour le service de Sa Majesté et qu’ils étaient sûrs que Votre Grâce les rembourserait. Malgré cette garantie, il ne voulut rien nous donner et, nous souhaitant un meilleur sort, nous prévint qu’il allait partir. Il nous jeta hors de sa caravelle en même temps qu’un sieur Juan Ruano, qui avait été le principal instigateur de la trahison de Cristobal de Oli. Celui-ci prit à part l’alcade, le régidor et quelques-uns de nous pour nous engager à faire ce qu’il nous conseillerait, et que le bachelier nous accorderait tout ce dont nous aurions besoin.

« Il s’engageait même à ce que les juges de l’île Espagnola nous tinssent quittes, de ce que l’on nous aurait donné ; qu’il retournerait à l’île Espagnola et qu’il saurait amener les juges à nous fournir hommes, chevaux, armes, provisions et tout ce dont nous avions besoin ; que le bachelier reviendrait promptement avec le chargement en question et avec pouvoir des juges d’être notre capitaine. Et, comme nous lui demandions ce que nous avions à faire : il nous dit, qu’avant toutes choses, il nous fallait déposer tous nos officiers, alcades, regidors, trésoriers, caissiers et commissaires et demander au bachelier qu’il nous donnât pour gouverneur, lui, Juan Ruano ; l’assurer que nous étions prêts à prendre les ordres de ces juges, et non plus ceux de Votre Grâce ; que nous fassions une pétition à cet effet, et que nous jurions d’obéir à Juan Ruano, notre gouverneur, et que si quelque gens ou mandataire de Votre Grâce arrivait parmi nous, que nous lui refusions obéissance ; et que s’il insistait, nous le recevions les armes à la main.

« Nous lui répondîmes que cela ne pouvait se faire ; que nous avions juré fidélité à Sa Majesté au nom de Votre Grâce, notre capitaine et gouverneur, et que nous ne ferions rien autre. Juan Ruano nous exhortait à l’écouter plutôt que de nous laisser mourir de faim ; que d’autre façon, le bachelier ne nous donnerait pas un verre d’eau ; qu’il nous fallait bien y réfléchir ;