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Page:Cortés - Lettres à Charles Quint, trad. Charnay, 1896.djvu/374

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nos bagages et nos armes ; nous ne trouvâmes rien. Nous éprouvâmes une douleur affreuse de nous voir ainsi presque nus, sans armes et sans fers pour nos chevaux, que le capitaine avait emportés dans la caravelle, et nous ne savions plus que devenir.

« Nous résolûmes néanmoins d’attendre les secours de Votre Grâce en qui nous avions foi entière, et nous jetâmes les fondations de notre ville après avoir pris possession de la terre au nom de Sa Majesté, ainsi que le constate un acte notarié. Cinq ou six jours après, nous vîmes arriver dans ce port, une caravelle qui jeta l’ancre à deux lieues d’ici. L’alguazil s’y rendit aussitôt dans une canoa pour savoir d’où elle venait. Il revint nous dire qu’elle arrivait de l’île Espagnola envoyée par les juges et sous les ordres du bachelier Pedro Moreno, pour s’informer des faits et gestes de Cristobal de Oli et de Gil Gonzalez, et qu’elle était chargée d’armes et de vivres appartenant à Sa Majesté.

« Nous eûmes tous la plus grande joie à cette nouvelle, et nous rendîmes grâce à Dieu, pensant qu’on envoyait à notre secours. L’alcade, les regidors et quelques-uns de nous, s’empressèrent de se rendre auprès de la caravelle pour conter nos malheurs au capitaine et le prier de nous secourir ; mais quand nous arrivâmes, il posa des hommes armés pour empêcher qu’aucun de nous ne pénétrât dans son bateau, et sur nos instances voulut bien consentir à laisser monter à son bord cinq des nôtres désarmés. Ceux-ci lui dirent comment nous étions venus fonder une ville au nom de Sa Majesté, qu’une caravelle sous les ordres de notre capitaine était partie, emportant tout ce que nous possédions ; que nous étions dans le plus extrême besoin de vivres, d’armes, de fers pour nos chevaux et de vêtements pour nous, et que puisque Dieu l’avait envoyé dans nos parages, que le chargement de sa caravelle appartenait à Sa Majesté, que nous le prions et le supplions de nous secourir.

« Il nous répondit qu’il ne venait point pour nous secourir et qu’il ne nous donnerait rien, que nous ne payions en or, ou en esclaves. Deux marchands qui se trouvaient sur la caravelle