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Page:Cortés - Lettres à Charles Quint, trad. Charnay, 1896.djvu/382

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Arias avait envoyé au Nicaragua, et qui s’était aussi révolté comme je le raconterai plus longuement à Votre Majesté. D’un autre côté, j’hésitai à abandonner cette province dans les circonstances fâcheuses où elle se trouvait ; c’était s’exposer à perdre une possession qui, à mon avis, vaudrait celle de Mexico. J’ai en effet des renseignements sur de grandes et riches contrées, gouvernées par de puissants seigneurs, avec grand état de cour et notamment le royaume de Eneitalapan, en autre langue, Xucutaco, dont on m’a parlé depuis six ans ; j’étais venu à sa recherche et je suis sûr qu’il n’est pas à plus de huit ou dix journées de cette ville de Trujillo, ce qui ne ferait que cinquante ou soixante lieues.

D’après ce que l’on en dit, et quand on en retrancherait la moitié, ce royaume dépasserait celui de Mexico en richesse et l’égalerait pour la grandeur de ses villes, la multitude de ses habitants et l’ordre qui le gouverne.

Dans cette grande incertitude, je me souvins que rien ne réussit si l’on n’a pour guide la main du Tout-Puissant ; et je fis dire des messes, faire des processions et autres cérémonies, suppliant Dieu de vouloir bien m’éclairer. Après quelques jours de réflexion et de prière, je crus qu’il valait mieux remettre toutes ces choses pour aller apaiser les troubles de Mexico. Je laissai dans cette ville de Trujillo trente-cinq chevaux, cinquante fantassins et pour lieutenant-gouverneur, un de mes cousins appelé Hernando de Saavedra, frère de Juan de Avalos, qui mourut dans le navire qui vint en cette ville, et après lui avoir donné mes ordres touchant l’administration de la colonie, après avoir conféré avec les principaux personnages indiens des environs qui étaient venus me voir, je m’embarquai avec les gens de ma maison et mandai à mes hommes de Naco, de prendre par terre, le chemin que suivit Francisco de Las Casas, qui conduit à la mer du Sud, pour aller à la rencontre de Pedro de Alvarado ; parce que c’était la route la plus sûre et que, du reste, ces hommes étaient des vétérans qui passeraient où ils voudraient. J’envoyai aussi des instructions aux habitants de la ville Nativité de Notre-Dame.

Je m’embarquai par un beau temps et nous levâmes l’ancre,