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Page:Cortés - Lettres à Charles Quint, trad. Charnay, 1896.djvu/383

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mais le vont tomba et nous ne pûmes sortir. Le lendemain matin, on vint m’avertir qu’il y avait eu quelques troubles dans la ville et qu’on n’attendait que mon départ pour provoquer une nouvelle révolte. Le temps continuant à être défavorable, je me fis mettre à terre, fis une enquête et punis les coupables, ce qui calma aussitôt l’effervescence. Je restai deux jours au port et la brise s’étant élevée, je me réembarquai et nous mîmes à la voile. À deux lieues de là, comme nous doublions la pointe du golfe de Trujillo, nous brisâmes notre grande vergue, de sorte qu’il nous fallut revenir pour la réparer. Ce travail demanda trois jours, après lesquels nous repartîmes par un beau temps ; nous nous trouvions à cinquante lieues de là, quand nous reçûmes un coup de vent du Nord qui nous brisa le mât de misaine, de sorte que nous ne pûmes qu’à grand’peine regagner le port. En arrivant, nous rendîmes grâce à Dieu de nous avoir sauvés ; nous étions tous si fatigués qu’il nous fallut plusieurs jours pour nous refaire. Pendant que la tempête s’apaisait et que l’on réparait le navire, je restai à terre, où réfléchissant que j’étais parti trois fois par beau temps, et que trois fois j’avais été obligé de revenir, je crus que Dieu ne voulait pas que j’abandonnasse ainsi cette province ; je le pensais d’autant mieux, que certains Indiens, pacifiques jusqu’alors, commençaient à s’agiter ; je me recommandai de nouveau à Dieu, je fis dire des messes et faire des processions et je crus bien faire d’envoyer à la Nouvelle-Espagne ce même navire qui devait m’y emmener ; il y porterait mon pouvoir pour Francisco de Las Casas, mon cousin, et des lettres pour les officiers de Votre Majesté, leur reprochant leur conduite ; j’y joignis quelques-uns des principaux personnages mexicains qui m’avaient accompagné, afin qu’ils pussent affirmer que je n’étais pas mort comme on l’avait publié ; je pensai que cette nouvelle remettrait toutes choses en état. Je ne m’occupai point d’autres affaires, dont je me serais préoccupé si j’avais alors connu le naufrage du premier navire que j’avais expédié, à qui j’avais confié toutes mes instructions, que je croyais aux mains de ceux à qui je les avais adressées ; principalement en ce qui regardait les navires de la mer du Sud.