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Page:Cortés - Lettres à Charles Quint, trad. Charnay, 1896.djvu/57

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cliers ; dès qu’ils aperçurent les hommes à cheval, ils prirent la fuite. J’arrivais alors : je les fis appeler, leur disant qu’ils vinssent et n’eussent aucune crainte. Je m’avançai et j’en comptai quinze. Ils se réunirent, tirèrent leurs épées et appelèrent à grands cris leurs camarades qui se dissimulaient dans un ravin ; puis ils nous attaquèrent de telle sorte qu’ils nous tuèrent deux chevaux et blessèrent trois de mes hommes, dont deux cavaliers ; d’autres Indiens vinrent alors au nombre de quatre à cinq mille. Huit cavaliers m’avaient rejoint et nous luttâmes de notre mieux, attendant les Espagnols auxquels j’avais envoyé l’ordre de hâter leur marche ; dans ces charges, nous leur fîmes un certain mal, leur tuant une cinquantaine d’hommes, sans perdre un seul des miens, encore que ces Indiens combattissent avec grand courage ; mais comme nous étions à cheval, nous chargions au galop, pour nous retirer de même. Dès qu’ils virent les nôtres s’approcher, ils se retirèrent, nous abandonnant le champ de bataille. Quand ils eurent disparu, nous vîmes arriver des messagers, qui nous dirent être des caciques de la province ; deux de mes envoyés se trouvaient en leur compagnie, qui m’assurèrent que ces caciques ignoraient pourquoi l’on nous avait attaqués ; que le pays était divisé en communes indépendantes, qu’on nous avait attaqué sans les consulter et qu’ils en étaient désolés ; qu’ils nous paieraient les chevaux que nous avions perdus, qu’ils voulaient être nos amis, que nous pouvions avancer sans crainte et que nous serions très bien reçus. — Je les remerciai, me déclarai leur ami, et je leur dis que j’irais de l’avant comme ils m’y engageaient.

Cette nuit, je fus obligé de dormir dans le lit d’un ruisseau à une lieue de la scène que je viens de conter, parce qu’il était tard et que ma troupe était fatiguée. Là, je m’installai du mieux que je pus avec mes gardes et sentinelles tant à pied qu’à cheval. Le jour venu, je partis, mon avant-garde et mon arrière-garde bien organisées, avec éclaireurs sur mes côtés. Au lever du soleil, en arrivant à un petit village, nous rencontrâmes les deux autres messagers tout en larmes ; ils nous dirent qu’on les avait attachés pour les tuer et qu’ils s’étaient échappés cette nuit même. Sur ces entrefaites, apparut une multitude d’Indiens