Page:Cortés - Lettres à Charles Quint, trad. Charnay, 1896.djvu/76

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irai dans le cas où il ne lui plairait pas que je restasse près de lui : qu’il nous serait d’ailleurs beaucoup plus facile de régler entre nous les questions touchant le service de Votre Majesté que de les confier à des personnes tierces quelque expérimentées qu’elles fussent. Ils s’en retournèrent avec cette réponse.

Dans le campement dont j’ai parlé, nous comprîmes à certains indices que les Indiens avaient conçu le dessein de nous attaquer cette nuit ; mais ils s’aperçurent que j’étais sur mes gardes, renoncèrent à leur projet et très secrètement firent filer une foule d’Indiens qu’ils tenaient cachés dans les bois près de notre demeure ; nos gardes et nos sentinelles les ont vus.

Au jour, je partis pour un village qui se trouve à deux lieues de là, appelé Amecameca, de la province de Chalco, qui peut compter entre ville et campagne plus de vingt mille habitants ; on nous y logea dans de fort belles maisons appartenant au seigneur de l’endroit. Plusieurs personnes d’un rang élevé vinrent m’y trouver, me disant que Muteczuma leur maître les avait envoyés pour m’accompagner et veiller à ce que je ne manquasse de rien. Le cacique de cette province me donna quarante esclaves, trois mille castellanos, et, pendant les deux jours que nous restâmes chez lui, fournit généreusement à tous nos besoins. Le jour suivant, accompagné des nobles mexicains, j’allai dormir à quatre lieues de là, dans un petit village placé sur le bord d’une lagune et dont la moitié est construite sur l’eau ; dans la partie terre s’élève une montagne très abrupte ou l’on nous logea fort bien. Là encore, ils avaient résolu d’essayer leurs forces contre nous ; mais ils voulaient le faire en toute sécurité en nous surprenant pendant la nuit. J’étais averti et je sus prévenir leur mauvais dessein. Je fis donc si bonne garde, que le matin ces malheureux avaient perdu de quinze à vingt de leurs espions, qui, soit en canot venant de la lagune, soit à pied venant de la montagne, s’étaient avancés pour nous surprendre ; de sorte que bien peu d’entre eux purent aller porter des nouvelles. Nous voyant toujours si bien gardés, ils renoncèrent dès lors à nous surprendre.

Le jour suivant de bonne heure, comme j’allais partir de ce village, arrivèrent douze Indiens de Culua qu’on me dit être de