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Page:Cortés - Lettres à Charles Quint, trad. Charnay, 1896.djvu/78

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de là, pour atteindre une autre ville qui s’appelle Iztapalapa et qui appartient à l’un de ses frères ; je m’y rendis. Le chemin de la ville d’où nous venions, où nous avions mangé et dont je ne me rappelle plus le nom se dirigeait par une autre chaussée longue d’une lieue et qui aboutit à la terre ferme. À mon arrivée à Iztapalapa, le cacique vint au-devant de moi accompagné du seigneur d’une autre ville située à trois lieues de là, appelée Culuacan : il y avait aussi une foule de seigneurs venus pour me voir : je fus admirablement reçu, et l’on me fit présent de trois ou quatre mille castellanos, de quelques esclaves et des étoffes.

Cette ville d’Iztapalapa peut avoir quinze mille habitants, elle s’élève sur le rivage d’un grand lac salé, elle est bâtie moitié sur l’eau et moitié sur terre. Le cacique a des palais, qui, quoique inachevés, sont aussi beaux que les plus beaux que nous ayons en Espagne : je dis bien, des plus beaux, des plus ornementés et des mieux organisés, aussi bien pour le corps de bâtisse, la charpente, les planchers et la perfection des services dans l’intérieur ; sauf les ornementations en relief et autres riches détails, d’usage courant en Espagne et dont ils ne se serrent pas ici. En beaucoup de quartiers et à différentes hauteurs, se trouvent de beaux jardins pleins de grands arbres et de belles fleurs avec de grands bassins d’eau douce aux bords cimentés et munis d’escaliers qui descendent au fond des bassins. Il y a un immense jardin potager près du palais au-dessus duquel s’élève un belvéder orné de galeries et de salles magnifiques ; dans ce potager, se développe un immense réservoir d’eau douce de forme carrée avec ses murailles admirablement construites, et tout autour une promenade pavée de briques, assez large pour quatre promeneurs de front et d’une longueur de quatre cents pas, ce qui fait seize cents pour le tour. De l’autre côté de ce trottoir jusqu’à la muraille, clôture du jardin, s’étend un champ de cannes à sucre et, au delà, de charmants bosquets et des parterres de fleurs parfumées. Dans le réservoir, il y a beaucoup de poissons et beaucoup d’oiseaux, tels que sarcelles, canards sauvages et autres espèces d’oiseaux d’eau en si grand nombre, que parfois ils couvrent l’entière surface du bassin.