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Page:Cortés - Lettres à Charles Quint, trad. Charnay, 1896.djvu/81

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nous étions entrés. Là, il me fit asseoir sur une très belle estrade qui avait été faite pour lui, me dit de l’attendre et partit. Peu après, lorsque mes gens furent installés, il revint avec des joyaux de toutes sortes en or, en argent, en plumes éclatantes et nous apportait cinq à six mille pièces d’étoffes de coton très riches, tissues et brodées de différentes manières. Après m’avoir fait ce présent, il s’assit sur un siège qu’on venait de lui dresser près du mien et m’adressa les paroles suivantes :

« Il y a bien longtemps que, par tradition, nous avons appris de nos ancêtres, que ni moi, ni aucun de ceux qui habitent cette contrée n’en sommes les naturels ; nous sommes étrangers et nous sommes venus de pays lointains. Nous savons aussi que ce fut un grand chef qui nous amena dans ce pays, où nous étions tous ses vassaux ; il retourna dans sa pairie d’où il ne revint que longtemps après, et si longtemps, qu’il retrouva ceux qu’il avait laissés derrière lui, mariés avec les femmes de la contrée et vivant en famille dans les nombreux villas qu’ils avaient fondés. Il voulut les emmener avec lui ; mais ils s’y refusèrent et ne voulurent même pas le reconnaître pour leur seigneur.

« Alors il repartit. Nous avons toujours cru depuis, que ses descendants reviendraient un jour pour conquérir notre pays et faire de nous ses sujets ; et d’après la partie du monde d’où vous me dites venir, qui est celle d’où le soleil se levé, et les choses que vous me contez du grand roi qui vous a envoyé, nous sommes persuadés que c’est lui notre véritable seigneur ; d’autant plus, que depuis longtemps, il est, dites-vous, au courant de nos affaires. Soyez donc certain que nous vous obéirons et que nous vous reconnaîtrons pour maître au lieu et place du grand roi dont vous parlez, et qu’il ne doit pas y avoir le moindre doute à cet égard. » Il ajouta : « Vous pouvez commander à toute cette contrée, au moins dans les parties qui dépendent de mon royaume ; vous serez obéi et vous pourrez disposer de mes biens, comme des vôtres. Vous êtes ici chez vous, dans votre palais ; reposez-vous donc des fatigues du chemin et des combats que vous avez livrés. Je sais tout ce qui vous est arrivé, de Potunchan ici ; je sais que les gens de Cempoal et