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Page:Cortés - Lettres à Charles Quint, trad. Charnay, 1896.djvu/94

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tres établis dans cette contrée, mariés aux femmes du pays, dont ils avaient eu beaucoup d’enfants ; de sorte qu’ils ne voulurent pas s’en retourner avec lui et qu’ils refusèrent de le reconnaître pour leur seigneur. Il partit donc en disant qu’il reviendrait un jour, ou qu’il enverrait quelqu’un pour nous ramener à son service. Vous savez que nous l’avons toujours attendu. Or, d’après ce que nous a dit le capitaine du grand roi qui l’a envoyé chez nous, et venant comme il nous l’a dit, du côté du soleil levant, je tiens pour certain et vous devez le croire aussi, que ce grand roi est bien le seigneur que nous attendions ; d’autant plus, qu’il y avait longtemps qu’il avait entendu parler de nous. Puisque nos prédécesseurs n’ont pas rempli les obligations qu’ils devaient à leur souverain, c’est à nous à les remplir, et nous devons rendre grâce à nos dieux de voir enfin ce que nos pères ont si longtemps attendu. Je vous supplie donc, étant convaincu de tout ce que je viens de dire, de reporter à ce grand roi, l’obéissance que vous m’accordiez à moi-même, puisqu’il est votre seigneur naturel, et en son lieu et place, à son capitaine. Vous lui rendrez donc tous les tributs et services que vous m’avez rendus jusqu’à ce jour, comme je m’engage à lui obéir dans tout ce qu’il m’ordonnera, car non seulement vous remplirez un devoir, mais vous me ferez le plus grand plaisir. » Le prince nous fit ce discours en pleurant à chaudes larmes et en manifestant la plus grande douleur qui se puisse concevoir ; les grands seigneurs qui l’avaient écouté, sanglotaient aussi et furent longtemps avant de pouvoir lui répondre : et je puis certifier à Votre Majesté sacrée qu’il n’y eut pas un Espagnol présent qui ne fût ému de cette douleur. Quand les larmes des grands furent apaisées, ils répondirent au prince, qu’il était toujours leur maître ; qu’ils avaient promis de faire ce qu’il leur commanderait ; que d’accord avec les raisons qu’il leur avait données, ils seraient heureux d’obéir ; et que, de ce jour et à jamais, ils s’engageaient à rester les vassaux fidèles de Votre Altesse. Puis tous ensemble et chacun en particulier, ils jurèrent de faire tout ce qui leur serait ordonné au nom de Votre Majesté comme de bons et fidèles sujets sont tenus de le faire, et d’accepter tous les tributs de servitude aux-