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Page:Cortés - Lettres à Charles Quint, trad. Charnay, 1896.djvu/93

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suadèrent à Cacamazin de réunir son conseil dans la ville de Tezcoco pour délibérer d’affaires qui le touchaient personnellement. Ils se réunirent donc dans une jolie maison appartenant au prince et qui se trouve sur le bord de la lagune. Elle était construite de telle façon que l’on naviguait au-dessous comme dans la lagune même ; les conjurés avaient placé là des canoas avec des rameurs et des gens à eux, tout prêts en cas de résistance à s’emparer de Cacamazin. Une fois réunis, les conjurés se saisirent de sa personne avant que les gens du prince pussent intervenir ; le déposèrent dans une canoa, prirent la lagune et arrivèrent à Tenochtitlan qui, je l’ai dit, était à six lieues de la.

Aussitôt arrivé, on le mit sur un palanquin comme l’exigeait l’étiquette pour un grand personnage et on me l’amena. Je lui fis mettre les fers aux pieds et le confiai à une bonne garde ; puis, d’après l’avis de Muteczuma je nommai à sa place, au nom de Votre Altesse, l’un de ses fils nommé Cucuzcazin. Je fis savoir à toutes les autorités et seigneuries du royaume qu’on eût à lui obéir, jusqu’à ce que Votre Altesse ait décidé dans cette affaire. Tout se passa bien, le nouveau roi fut reconnu par les habitants, qui lui obéirent comme à Cacamazin ; lui-même se soumit gracieusement à tout ce que je lui demandai de la part de Notre Majesté.

Quelques jours s’étaient passés depuis l’emprisonnement de Cacamazin, quand Muteczuma convoqua tous les caciques, chefs et seigneurs des localités environnantes. Lorsqu’il les eut réunis, il m’envoya dire de me rendre à l’assemblée, où, lorsque je fus arrivé, il nous adressa les paroles suivantes :

« Mes frères et mes amis, il y a longtemps, vous le savez, que vous, vos pères et vos aïeux sont et ont été nos vassaux et nos sujets ; vous savez que mes ancêtres et moi nous vous avons toujours traités avec les plus grands égards et je sais que vous avez toujours agi en loyaux et fidèles sujets. Vous devez vous rappeler aussi que nous ne sommes point naturels de cette contrée ; que notre race y est venue de très loin, sous la conduite d’un chef qui l’y amena et dont nous étions tous les sujets. Ce chef nous quitta et revint longtemps après ; il trouva nos ancê-