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santes. Ajoutons qu’il était de tempérament nerveux et inquiet, de santé délicate, et qu’il vivait parmi des dirigeants étrangers à la notion du bien public, au souci du lendemain, au désir de construire quelque édifice altruiste et durable. Étudiant à Rhodes, chargé de mission en Bithynie, chef militaire en Espagne, il fut long à trouver sa voie. Tout cela explique — sans les excuser — bien des faux pas ou des défaillances de son aventureuse et audacieuse carrière.

Quand, comment César prit-il conscience de son propre dessein ? Quelles doses de réflexions et de vouloir d’un côté, d’intuition et de spontanéité de l’autre, l’exécution de ce dessein révèle-t-elle ? On peut disputer sur ce point à loisir car les indices certains font défaut pour en décider. Et c’est pourquoi maints historiens ont dénié à César le mérite de la clairvoyance ne voulant reconnaître en lui que l’auteur inconscient des transformations prochaines. Cette manière de voir n’est guère défendable en raison non seulement de la constance avec laquelle — sous d’apparentes fluctuations — César a poursuivi la réalisation de ses idées mais de l’éclatante justification qu’après sa mort les événements lui apportèrent en obligeant Octave à gouverner contre son gré d’après les données césariennes c’est-à-dire en s’appuyant, d’une part, sur la Gaule et, de l’autre, sur la classe bourgeoise.

Le siècle qui s’écoula entre la dictature de Sylla et la mort d’Octave devenu « Auguste » (83 av. J.-C.-14 ap. J.-C.) fut dominé par les tentatives obstinées de l’aristocratie romaine et des ploutocrates : les premiers pour récupérer le pouvoir et les privilèges qui leur avaient échappé, les seconds pour déplacer le centre de gravité de l’empire vers l’orient. Il est remarquable que toutes ces tentatives aient échoué. Sylla, Pompée, Octave employèrent tout à tour au service des intérêts aristocratiques, l’un, sa brutalité froide, l’autre son prestige militaire, le troisième son emprise sur l’opinion. À un moment une réaction si marquée se dessina en faveur des vieilles traditions et de tout le passé romain que le rétablissement du gouvernement oligarchique apparut aisé et prochain. Mais les nobles se montrèrent incapables de bénéficier de la chance qui s’offrait. Le retour à la vertu fut aussi bref que solennel ; le retour à l’énergie ne se manifesta même pas. César avait bien jugé. L’oligarchie était incapable de se rénover ; elle ne servirait désormais qu’à perpétuer le désordre. Mais, par ailleurs existait-il une bourgeoisie propre à fournir les cadres de l’administration unitaire qu’il souhaitait d’instaurer ? Quand César mourut, cette classe était encore naissante ; il avait