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Page:Coubertin - Histoire universelle, Tome IV, 1926.djvu/107

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la révolution française et l’empire

neige ». Il y avait alors un siècle et demi environ que s’édifiait par un labeur individuel à la fois impétueux et réfléchi le premier empire colonial français. Après Québec, Montréal avait été fondé (1661) puis on avait exploré le cours de l’Ohio et celui du Mississipi, créé la Nouvelle Orléans (1717), construit entre ces cités naissantes une série de postes fortifiés… Dans l’Inde où Pondichery ne datait que de 1674 et Chandernagor de 1688, c’était bien autre chose. La rivalité des compagnies anglaise et française avait fait d’elles des puissances armées et guerroyantes. En 1750 le gouverneur-général français Dupleix se trouva sur la côte Orientale, à la tête d’un véritable royaume. Son prestige se répercutait à travers tout l’Hindoustan. Ne pouvant compter sur un appui efficace de la métropole, il s’était hardiment jeté dans la politique indigène y exerçant une action habile et bientôt prépondérante[1]. Dans le même temps les Anglais se trouvaient presque réduits à la possession de Madras. Sentant leur cause perdue dans l’Inde, ils intriguèrent à Versailles où l’intrigue grassement subventionnée avait toujours chance d’aboutir. Effectivement ils finirent par obtenir le rappel de Dupleix et l’abandon de ses conquêtes.

C’est que ces lointaines aventures n’intéressaient guère les gens de cour au regard de ce qui se passait en Europe. L’on était en pleine période de féminisme royal. Après Élisabeth d’Angleterre on avait vu les deux épouses de Philippe V diriger les affaires en Espagne puis, en Russie, trois femmes ceindre successivement le diadème impérial. De sa belle stature, Marie-Thérèse d’Autriche dominait cette compagnie d’entreprenantes amazones parmi lesquelles la petite Pompadour, née Antoinette Poisson était bien anxieuse de faire figure. Voilà pourquoi en 1756 la France qui n’avait pas trop de sa marine (alors en bonne voie de réfection) pour défendre contre l’Angleterre son nouveau domaine colonial et son commerce renaissant, se lança pour une nouvelle période de sept ans et avec une armée déchue[2] dans

  1. Pondichéry, capitale de l’Inde française, eut alors jusqu’à 800.000 habitants. Volontiers on est porté à considérer Dupleix comme une sorte de météore brillant et inattendu. Or son gouvernement (1741-1754) avait été précédé par ceux de Lenoir (1721-1735) et de Dumas (1735-1741) administrateurs remarquables qui lui avaient préparé les voies. En même temps La Bourdonnais, gouverneur de l’île Bourbon et de l’île de France (ancienne île Maurice abandonnée par les Hollandais en 1720) révélait d’admirables talents de chef colonial.
  2. Cette déchéance était due à la réaction aristocratique qui s’était produite après la mort de Louis XIV. Rappelée dans les « conseils du roi » la noblesse y avait fait si piètre figure que ces conseils en avaient perdu toute influence. Replacée à la tête des régiments, elle y faisait preuve d’une belle vaillance mais