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Page:Coubertin - Histoire universelle, Tome IV, 1926.djvu/95

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le partage de la pologne

et l’autocratie eut bientôt triomphé. Ce même souverain favorisait l’imprimerie, attirait les étrangers, convoquait même des sortes d’États-généraux, instituait des tribunaux composés de juges élus… On vit plus tard que ces contradictions n’avaient pas déplu au peuple russe, qu’elles l’avaient même séduit et rallié à l’autocratisme.

Ivan avait-il regardé vers l’ouest ou vers l’est ? Sans parler de sa candidature au trône de Pologne, sa politique livonienne le montre ouvert aux perspectives occidentales. L’ordre des Porte-glaive qui détenait la Livonie avait favorisé grandement la colonisation allemande. Mais maintenant que les États scandinaves et la Prusse étaient acquis à la Réforme, la situation devenait difficile pour les autorités de l’ordre demeurées catholiques et isolées parmi des populations que le protestantisme conquérait peu à peu. De là des agitations, des désordres dont Ivan avait profité pour intervenir. Et malgré que cette proie lui fut disputée par le Danemark, la Suède, la Pologne, il s’en tira avec la possession assurée d’un port sur la Baltique : premier débouché maritime russe de ce côté. Mais du côté de l’est ses conquêtes étaient de plus vaste envergure. Il existait un khanat de Sibérie qui s’était formé au xvme siècle en même temps que les khanats de Kazan, d’Astrakhan, de Khiva et de Boukara. Le khan de Sibérie dont la dynastie se rattachait à Gengiskhan avait sa capitale proche du lieu où s’élève aujourd’hui Tobolsk. La prise de cette capitale en 1582 ouvrait à la Russie les plus vastes perspectives asiatiques. Ainsi les destins demeuraient indécis. Et sans doute il faudrait toujours s’inquiéter de ces Tartars de Crimée qui venaient encore de pousser leurs audacieux ravages jusqu’à Moscou — et aussi de ces Ukrainiens, frères par la croyance et à cause de cela, exposés aux entreprises du catholicisme polonais. Mais sans faillir à ces devoirs essentiels, la possibilité s’affirmait d’un effort persévérant et fécond au delà de l’Oural… Pierre le grand allait en décider autrement.

La période de l’histoire russe qui s’étend de la mort d’Ivan IV (1584) à l’avènement de Pierre (1682) est agitée et confuse : siècle excessif où se heurtent les réalités barbares et les idéologies complexes, où l’on voit naître des sectes de