Page:Courouble - L'étoile de Prosper Claes, 1930.djvu/125

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fortes rampes de la ville à bicyclette. Il n’avait du reste pas l’air de se douter, de sa naïve outrecuidance et continuait à mener bonne vie sans prendre souci des réserves que certaines gens mettaient dans leur façon de l’accueillir. La subite froideur de Mlle Emma qu’il avait attribuée d’abord au trouble sentimental que son beau physique causait à la jeune fille, finit, en persistant, par le tirer de sa suffisance. Il lui était extrêmement pénible de supposer que la jolie tripière eût le cœur engagé autre part. Aussi redoublait-il de ruses pour la voir et lui adresser force madrigaux sous une forme railleuse. Ce soir, il s’était habillé avec plus de recherche que d’habitude. Peut-être se croyait-il irrésistible avec cette lavallière de soie multicolore dont les pattes voltigeaient sur un veston de velours noir, assortiment de nuances qui eût déconcerté un peintre, même futuriste.

Cependant, les deux dames ne semblaient guère pressées de répondre à l’aimable question du jeune premier et continuait à ranger les livres sous la tablette relevée du pupitre. Enfin, la placide Mme Vergust se redressa lentement :

— C’est vrai, dit-elle, on n’a pas encore trop à se plaindre, nous autres… Et, se tournant vers son mari :

— Il est temps que je vais soigner pour le souper…

Sur ces mots, elle disparut, non sans une certaine majesté, par la porte qui donnait accès dans les appartements privés.