Aller au contenu

Page:Courouble - L'étoile de Prosper Claes, 1930.djvu/247

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.


CHAPITRE XVIII



Au milieu de la joie, qui rajeunissait les vieux Claes et les bons serviteurs de la quincaillerie, Camille demeurait grave, enfermée dans ses regrets du passé. La délivrance, bien qu’elle l’eût attendue, elle aussi, avec tant d’héroïque patience, ne la délivrait pas de sa peine inguérissable.

Elle s’interrogeait anxieusement : que ferait-elle quand les glorieux bataillons de l’Yser défileraient sous les fenêtres de sa chambre ? Comment se défendre d’un sentiment trouble, d’une amertume voisine de l’envie, contre ces heureux soldats que la mort avait épargnés, émue d’admiration devant leur bravoure, la rage sublime, l’élan irrésistible de leur « On les aura ! ».

Non, un tel spectacle la navrerait d’une tristesse infinie : elle ne pourrait y prêter ses yeux, ni ses oreilles, ni la moindre portion de son cœur à jamais meurtri.

On comprenait les relancements de sa douleur toujours latente : on respectait la solitude qu’elle