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Page:Courouble - La Famille Kaekebrouck,1902.djvu/19

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ix
PRÉFACE

Et non seulement tu nous renseignes sur les intérieurs, les façons d’être, les mœurs : tu ajoutes le parler bruxellois, carrément. Tu abordes la trivialité de l’accent et de la phrase. Cette manière spécialise ton œuvre, lui donne une saveur de terroir et une vérité amusante. Il fallait un certain courage : l’écrivain pouvait être accusé lui-même de trivialité et de ne point connaître « son français ». En Belgique, où l’on parle cette langue d’une façon moins pure encore qu’à Paris, on porte souvent aux écrivains pareille accusation. Mais si tes personnages patoisent, permets que je te rassure sur l’élégance de ton écriture et la grâce de ta façon. Dans les toiles de Teniers on voit des manants saoûls qui accomplissent des choses à révolter même Manneback, le plus débraillé de tes personnages : pourtant, derrière ces rustres, la finesse de l’art, la touche spirituelle, la subtilité du coloris, la moquerie presqu’imperceptible font deviner l’œuvre d’un gentilhomme. Ainsi, entre tes lignes, brille le sourire mi tendre et mi sardonique d’un conteur artiste et d’un lettré goguenard, qui aime beaucoup ceux qu’il raconte et les châtie un peu.

Quant à moi, je dévore tes livres dès qu’ils paraissent : exilé de ma terre de Cocagne, je les