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Page:Courteault - Mme Desbordes-Valmore à Bordeaux, 1923.pdf/15

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MADAME DESBORDES-VALMORE À BORDEAUX

Pure comme une fleur, de sa fragile vie
Elle n’a respiré que les plus beaux printemps.
On la pleure, on lui porte envie :
Elle aurait vu l’hiver ; c’est vivre trop longtemps[1].


Lormont, où elle avait aimé Georgina, lui a encore inspiré une pièce moins triste : elle y a fixé le souvenir d’une soirée d’été où de belles jeune filles, sans doute les invitées de Mme Nairac, dansaient sur les bords de la Garonne, au coucher du soleil[2].

Quand elle arriva à Bordeaux, Marceline avait déjà publié quatre volumes : en 1819, des Élégies, Marie et Romances, rééditées en 1820 ; Les Veillées des Antilles, nouvelles en prose (1821) et un second recueil de Poésies (1822). Edmond Géraud avait lu ce recueil et il a porté, dans son journal, à la date du 18 juillet 1823, un jugement plutôt sévère sur ces élégies qui « sont toujours des épanchements, des effusions d’une âme tendre et rêveuse, mais où rien n’est assez arrêté pour satisfaire le bon sens ». Il reprochait à l’auteur de ne pas « savoir s’asseoir ». « Ses grâces, disait-il, ont quelque chose de si fugitif et de si vaporeux qu’elles ne laissent que bien peu de traces après elles. Comment retenir, d’ailleurs, ce qu’on a souvent tant de peine à comprendre[3] ? » Géraud, qui avait eu, à vingt ans, son accès de fièvre romantique, qui avait, sous l’Empire, sacrifié au genre troubadour, commençait à s’effrayer des progrès de l’école nouvelle. Son esprit clair et précis, nourri des classiques, se défiait de tout ce qui était vague et nébuleux, et les effusions de Marceline, avec ce je ne sais quoi d’inachevé dans l’expression qui les caractérise, ne pouvaient le contenter. La critique se mêle à l’éloge dans le compte-rendu qu’il donna aux Annales de la Littérature et des Arts du volume d’Élégies et poésies nouvelles, qu’elle fit paraître chez Ladvocat en 1825. L’auteur, disait-il, « paraît avoir une oreille très sensible et très exercée, un tempérament délicat, et cette disposition mélancolique dont s’accommode si bien le talent qu’elle cultive ». On ne peut lui refuser « une imagination vive et passionnée ». « Déjà même elle partageait avec quelques autres dames la gloire d’être placée la première dans un genre où il n’est plus permis de citer que ceux qui excellent. » Mais il y a chez elle trop d’inégalités, trop d’à peu près. « L’amour seul

  1. Poésies de Mme Desbordes-Valmore. (Paris, Boulland, 1830, 3 vol.), t. II,
    p. 117. — Ed. Lemerre, t. I, p. 163.
  2. Les danses de Lormont (Poésies, éd. Lemerre, t. II, p. 358-359).
  3. Un homme de lettres sous L’Empire et la Restauration, p. 223-224.