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Page:Courteault - Mme Desbordes-Valmore à Bordeaux, 1923.pdf/20

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MADAME DESBORDES-VALMORE À BORDEAUX

Ce que fut la vie de Marceline à Bordeaux, sa correspondance permet de l’entrevoir. En y arrivant, elle tomba malade. Elle y fait allusion dans une lettre du 18 août 1823 à Antoine-Gabriel Jars, un ami lyonnais très dévoué, où elle dit qu’elle a abandonné la moitié de sa vie à la fièvre, « devenue son ennemie intime ». Elle ajoute :

J’ai reçu vos deux jolies romances. J’espère les chanter bientôt chez une dame fort aimable dont je dois l’amitié à Mme Gay[1]. C’est la seule personne, l’unique que je voie à Bordeaux, où je vis dans une retraite encore plus décisive qu’à Lyon.

Elle corrigeait une pièce, La Goutte d’eau, qu’elle avait soumise à Jars et rêvait d’écrire une comédie ; mais son mari l’en avait dissuadée, « en mettant dessus les œuvres de Molière », « Je deviens rouge de honte, ajoutait-elle, et vous sentez que je vais me cacher dans une élégie où je parle au moins selon mon cœur[2]. » Elle eût voulu aller à Lyon chercher Ondine, qu’elle y avait laissée en nourrice. Mais Valmore s’y était opposé. Elle avait heureusement trouvé une occasion pour ramener l’enfant.

La situation de son mari, qui apparaissait si sûre à son beau-père, devint subitement très précaire. Le directeur du Grand-Théâtre, Fourès, venait de mourir, le 8 août 1823[3], et elle se demandait avec angoisse si Valmore resterait à Bordeaux l’an prochain, « Je tremble que pour cette cause nous ne soyons forcés de quitter une ville que j’aime mieux qu’aucune autre de province. Plaignez un peu mon errante destinée[4]… » Sous l’obsession de la même idée, elle écrivait, le 28 septembre, à Mlle Mars :

Depuis que nous sommes à Bordeaux, je rêve de six mois en six mois l’espoir de vous y voir arriver, parce que ce bruit court dans le public[5] et qu’il n’intéresse ici personne que moi. À quoi tient-il donc que ce soit toujours une fausse joie… ? Je ne vois pas sans quelque frayeur les obstacles qui s’amassent devant la rentrée de Valmore aux Français… Votre appui vaudrait tous les droits, s’il y en avait… Si

  1. Mme Paul Nairac.
  2. Pougin, p. 141-143.
  3. Detcheverry, Histoire des théâtres de Bordeaux. Bordeaux, 1860, in-8o, p. 232.
  4. Pougin, loc. cit.
  5. Mlle Mars ne vint à Bordeaux qu’en avril 1827, après le départ des Valmore.