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Page:Cousturier - La Forêt du Haut-Niger, 1923.pdf/54

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autres par ce détail essentiel que les murs y sont remplacés par de simples pieux qui supportent la toiture en paille ; un simple abri contre le soleil ou la pluie, où se réunir et causer. Mes compagnons ne sont pas fatigués ; après leur repas, ils ne songent pas à s’étendre pour dormir : ils jouent. Ils jouent à un petit jeu de salon. Je les ai vus chercher dans les environs des cases de petits cailloux noirs et rouges. Ils les ont choisis aussi semblables que possible, puis, sur le sol battu de la case, voilà qu’ils les disposent parallèlement par rangs de plus en plus longs d’abord, de plus en plus courts ensuite. La figure ainsi formée rappelle un losange ou, mieux, cette ballade des Djinns que Victor Hugo composa en vers d’une longueur croissante, du monosyllabique à l’alexandrin, pour revenir au monosyllabique.

Le dessin achevé, l’un des joueurs s’éloigne de quelques pas et tourne le dos au groupe de ses compagnons. Je pense au temps où, jeune fille, je me retirais comme lui du groupe de mes amies composant une charade.

Mais lui se met à chanter, en augmentant rapidement sa vitesse, une chanson rythmée que j’ai notée ainsi :

Je na ta ré ma
Je na ta ré ma
Je na ta ré mag’bo
Je na ta ré mag’bo
Je na ta ré mag’bo bokéré bokéré
Je na ta ré mag’bo bokéré ô ! ya ya
Je na ta ré mag’bo bokéré bokéré je na ta ré mag’bo y a ya ô
Je na ta ré mag’bo bokéré bokéré je na ta ré ô ! ya ya
Je na ta ré mag’bo bokéré bokéré
Je na ta ré mag’bo ya ya
Je na ta ré mag’bo
Je na ta ré mag’bo
Je na ta ré ma
Je na ta ré ma.

Pendant qu’il chante, ses compagnons sont accroupis et regardent la figure formée par les rangées de cailloux, tandis que l’un d’eux les

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