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Page:Cousturier - La Forêt du Haut-Niger, 1923.pdf/74

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Elles peuvent être brèves ou se prolonger trois ou même sept ans, selon la nature et le degré des initiations, mais toutes sont également mystérieuses. Ma conversation avec l’instituteur, dans la salle de l’école, a duré assez longtemps. J’étais arrivée le soir, peu de minutes avant la fin de la classe, juste assez tôt pour pouvoir admirer les perspectives de jolis visages vifs d’écoliers tomas assis à leur pupitre, puis dressés d’un sursaut pour me saluer. J’ai exigé qu’ils continuent leur cours. Mais à l’heure de la sortie, ils ne sont pas partis. Ils sont restés auprès de nous pour nous écouter. Lorsque leur maître, parlant du tatouage, m’a montré le dos de l’un des élèves qui en présentait un exemple, tous les autres se sont mis à rire. Il a demandé alors aux rieurs quand ils se feraient tatouer eux-mêmes. Ils ont répondu : jamais. Et il est certain qu’ils étaient sincères, puisque certains d’entre eux, déjà grands, et déjà circoncis, sollicités par leurs parents de faire leur retraite, s’y sont refusé. Ces enfants vivent avec un maître malinké et musulman qui raille chez les Tomas cette coutume de disparaître pendant des années de leur village pour subir en forêt des initiations fétichistes. Ils sont tout entiers, les ardents petits élèves, avec le maître qui les instruit de choses nouvelles, contre les parents qui veulent les garder à leurs usages. Leur esprit ambitieux tend au voyage vers Kankan, vers Conakry, vers Gorée, vers les stages scolaires successifs qui doivent les munir finalement de ces diplômes, tatouages de blancs, qui les honoreront. Ils sont donc logiques en repoussant les brevets de science fétichiste qui les ridiculiseraient là-bas.

Mais, d’autre part, des tirailleurs qui ont fait six ans de service dont quatre en France, pendant la guerre, se font tatouer dans la forêt après leur libération à Macenta. Le capitaine appelle cela de la régression. Pourquoi ? ces gens sont aussi logiques que les élèves du maître malinké. En France, l’insigne du mérite national guerrier consiste en rondelles de métal découpé, clinquantes, appliquées sur la poitrine, au bout de rubans. Dans un village toma, le même insigne de valeur nationale consiste en un triangle dessiné discrètement sur le dos, à petits points. Pourquoi celui-ci serait-il plus négligeable que