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Page:Cousturier - La Forêt du Haut-Niger, 1923.pdf/73

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devenue une femme, elle s’est mariée avec lui, mais elle lui a fait promettre de ne jamais raconter qu’elle était une tourterelle. Ils ont eu beaucoup d’enfants et ils sont rentrés au village où on les a très bien reçus. Tout le monde voulait savoir comment l’homme pauvre avait trouvé une famille, jolie comme la famille d’un chef. Mais lui ne disait à personne comment c’était arrivé. Il l’a dit seulement un soir, à un homme qui le fatiguait trop avec des questions. Le lendemain matin, quand il s’est réveillé, il n’a plus trouvé sa femme à côté de lui, ni ses enfants dans leur case ; mais sur le toit il y avait beaucoup de tourterelles qui sont parties quand il les a regardées. C’est pour cela que maintenant les tourterelles vont un peu plus loin quand elles voient approcher quelqu’un ; elles ont trop peur de se marier encore avec un homme.


La foudre tombe assez souvent sur le poste de Macenta et le capitaine dit qu’il faudrait le déplacer afin que les cases administratives actuellement juchées sur le sommet de la colline ne servissent plus de paratonnerre.

Un jour d’hivernage, — c’était peu après la condamnation d’un féticheur, — le capitaine s’entretenait avec le docteur, sous sa vérandah. La foudre est tombée entre eux, a tué un chien, a projeté le docteur au-dedans, et son visiteur au-dehors de la case, à dix mètres. Le capitaine resta évanoui une trentaine d’heures à l’infirmerie ; mais son prestige d’administrateur resta évanoui plusieurs mois dans l’esprit des Tomas, car la vengeance du féticheur ne fut pas mise en doute dans cet événement.

— En France, distinguait un ancien tirailleur, tu prends le tonnerre comme tu veux, avec du fer ; mais ici, dans la forêt toma, c’est seulement le féticheur qui peut le prendre.

J’ai parlé des superstitions indigènes avec l’instituteur malinké le jour où j’ai visité l’école. Il m’a dit ce qu’il sait lui-même des féticheurs du tonnerre et de ceux qui pratiquent les tatouages sur les garçons au cours de leurs retraites en forêt, de ces fameuses retraites qui constituent l’un des rites les plus originaux du fétichisme toma.

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